Ce livre est divisé en deux : le second texte répond au premier. A l’origine, Kristell Loquet voulait le réécrire : mais finalement cette coda devient bien plus évidente. Entre les deux moments du livre se situent à la fois la rencontre qui fait “naître” l’aimée aimante mais aussi l’accident vasculaire qui aurait pu coûter la vie à son compagnon — à savoir Jean-Luc Parant.
Seuls ceux qui ne connaissent pas les écarts temporels que peuvent susciter certaines histoires d’amour resteront insensibles à ce livre d’émotion et d’intelligence. Tout est écrit dans la simplicité et sans pathos.
Et à partir de la résurrection de Parant, tout change au sein d’une machine désirante propre à remonter le temps. Pour des raisons diverses, les deux amants échappent à la “nuit de la pensée”. Chacun des deux avait la sienne. Mais soudain l’admiration réciproque l’emporte.
Kristell Loquet peut enfin réguler vis-à-vis de son père (pour une fois, ce n’est plus la mère qui est en première ligne des accusés) un lourd passif. Celui qui lui a offert une “image dégradée de l’amour” et qui refusa d’accepter l’amour de deux amants (l’un en automne, l’autre au printemps) n’en prend pas pour autant pour son grade. La fille devenue femme tient un propos plus profond.
Certes, elle rappelle que, malgré tout, une histoire d’amour est tributaire de ceux qui l’entourent et estiment avoir un droit sur elle. Mais elle dépend de fait de deux actants et du moment de leur rencontre. Plus tôt dans leur vie, elle aurait été impossible autant pour diverses raisons. Mais à l’instant “t” les deux ont atteint un état de disponibilité et de raison (fût-elle “folle”) pour qu’ils puissent enfin se l’autoriser se s’y projeter.
La lettre première peut ainsi se clore et le romantisme faire place à la réalité. Entre autres après l’épisode final du retour de l’Ile du Frioul (évoqué en fin de texte) jusqu’à ce bel aujourd’hui dont le livre devient le chant à valeur universelle et en rien anecdotique.
Il répond à la question essentielle : et vous, vous savez ce qu’il en est de l’amour?
jean-paul gavard-perret
Kristell Loquet, Une lettre, un suspens, dessin de Jean-Luc Parant, L’Atelier Contemporain, Strasbourg, 2019, 32 p. — 5,00 €.
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