Ne vouloir que ce qui est voulu par l’œuvre
Maître de la poésie objectiviste, Louis Zukovsky écrit en 1926 et publie dans la revue d’Ezra Pound (“The Exile”) ce texte qui est à la base de son oeuvre. “Le poème commençant par la” en crée le socle et ce, en réponse à “La terre vaine” de T.S. Eliot. Zukofsky en propose un contrepied. Il donne en prologue une longue liste des références de son poème. Elle part des grands anciens : textes bibliques, Sophocle, Horace, Bach, Beethoven, Shakespeare mais aussi Henry James, Virginia Woolf, James Joyce.
Cette “compilation” produit un texte autobiographique à grande inventivité formelle et forte valeur ajoutée inédite.
Tous les vers sont numérotés et sont placés en 6 mouvements. La disposition du texte l’entraîne du côté de la composition musicale qu’on retrouvera avec “80 fleurs”. L’oeuvre se féconde ainsi par un début dont les premières mesures sont couchées et continuent à involuer dans le ventre d’un imaginaire diffracté mais qui possède néanmoins son identité
A partir d’une idée simple et de ses références, l’auteur laisse donc agir la forme comme un aimant. Il attire à lui tout ce qui passe dans sa proximité. Le texte semble grandir sans le poète, en un processus organique qui lui échappe.
L’écriture constitue précisément la marge entre l’œuvre et la matière d’où elle est issue. Et de même que pour les mystiques pour qui il faut s’abandonner à la volonté de Dieu, le poète crée un travail de dépouillement de lui-même. Ce qui transite par le texte réclame de quitter une forme de subjectivité mais aussi la reprise d’éléments “objectifs” réanimés par un travail autant d’effacement que d’écoute intérieure dans cette réappropriation d’un “geste” poétique d’une profonde originalité.
Elle va innerver tout un pan de la poésie contemporain américaine mais aussi européenne.
jean-paul gavard-perret
Louis Zukosfski, Le poème commençant par « la », Editions de La Nerthe, 2019.
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