Avec Tancrède, embarquez à Barfleur et partez à la rencontre des empires byzantins et almohades du XIe siècle.
Viviane Moore délaisse le chevalier Galeran de Lesneven et sa période fétiche du Moyen Âge pour nous emmener, aux côtés de Tancrède et de son maître Hugues de Tarse, à la découverte de la saga des Normands de Sicile. Deux premiers récits inaugurent cette série, Le Peuple du vent et Les Guerriers fauves.
Le Peuple du vent
En 1155, nos deux héros arrivent à Pirou, un château-fort bordant le duché de Normandie. Du château, les secrets s’épanchent comme d’un abcès percé alors que Muriel, dame d’Arnulphe, seigneur des lieux, meurt du haut-mal. Des amourettes enfantines resurgissent en même temps que des lignées bâtardes. La mort rôde et Tancrède, adolescent confirmé, musclé et ingénieux, tombe sous le charme de la fille-garçon manqué de leur hôte. Celle-ci se joue de lui et semble emmurée, comme le reste de la maisonnée, dans le souvenir de l’héritier, ce fils noyé l’année précédente et sur lequel reposaient tous les espoirs liés à la pérennité du nom. Hugues de Tarse se voit chargé de faire sortir la vérité de tout ce mélange confus et inextricable. Celui qu’on appelle “Le Maure” et qui inspire peur et respect est surtout doté d’une grande sagesse, altérée cependant par une propension à se remettre constamment en question. Car Hugues de Tarse est à la fois le maître, le confident et le testamentaire de Tancrède, un homme voué à une haute destinée quelque part dans la Méditerranée. Mais avant, nos deux hommes devront se rendre à Barfleur malgré la présence d’un chevalier italien autrefois camarade de guerre d’Hugues de Tarse et aujourd’hui son ennemi juré. Pour quelle raison ? Le mystère plane.
L’hiver est fini. À Barfleur, les préparatifs pour le départ de deux navires à destination de la Méditerranée battent leur plein. Affrétés par une riche famille de commerçants italiens, les deux bâtiments sont protégés par les troupes d’élite du roi d’Angleterre, les fameux guerriers fauves, des hommes que rien n’effraie et qui seraient capables de faire reculer la Mort elle-même. Car les guerriers fauves sont à la fois sans pitié et sanguinaires. Cruels dans leurs tortures, ils n’hésitent pas à infliger le supplice du papillon : on écorche sa victime par le dos, et on tire ses poumons en arrière de manière à ce qu’ils soient comme les deux ailes du lépidoptère. Les pirates sont aux aguets, d’autant qu’un riche présent, don du Roi, semble être sur un des navires. Ainsi qu’une jeune femme promise à un influent noble de Syracuse. Cette dernière saura se protéger des différentes péripéties du voyage grâce à un chien loup qui lui a été donné par le prévôt de Barfleur. Et ce chien sera précieux au moment de démasquer un tueur en série d’enfants embarqué et qui signe ses méfaits d’un sanglant “VRS” au bas de leur dos. Pendant ce temps, le détroit de Gibraltar tenu par le puissant calife almohade Abd al-Mu’min approche et avec lui les nouvelles senteurs qu’apporte cette mer sans marée.
10/18 lance donc, avec Viviane Moore, une nouvelle série. Encore, pourrait-on dire. Comme toujours, l’aspect historique de celle-ci fait que le lecteur est scotché — à son banc, son lit, sa chaise de café, sa banquette de bus : il découvre avec délectation un pan de l’Histoire dont il devient un acteur privilégié. Viviane Moore, avec un plaisir évident, entre dans une période méconnue et vulgarise l’Histoire avec tact : en fin de volume, elle a inclus différents lexiques et un glossaire qui satisfont notre curiosité et nous permettent d’en apprendre beaucoup sur les hommes et les femmes de cette époque — les XIe et XIIe siècles. Il ne reste qu’à souhaiter longue vie à Tancrède, pour que nous puissions, pour de nombreux volumes encore, être les otages de la fiction de Viviane Moore.
julien védrenne
Viviane Moore, Le Peuple du vent, 10–18 coll. “Grands détectives” (n° 3890), mars 2006, 288 p. — 7,30 €. Viviane Moore, Les Guerriers fauves, 10–18 coll. “Grands détectives” (n° 3891), mars 2006, 286 p. — 7,30 €. |