Philippe le Bel veut le trésor à tout prix…
En octobre 1307, trois gros chariots de paille entrent dans la cour d’une ferme templière sous la conduite de Gérard de Villiers, commandeur des Templiers en France. Celui-ci demandait depuis des semaines à Jacques de Molay, le grand maître de l’Ordre, de mettre à l’abri les archives et le trésor du Temple. De mauvaises rumeurs circulent accusant les chevaliers du Christ de sodomie, d’idolâtrie, d’hérésie. Sous la paille se cachent cinquante coffres. Ils sont entreposés dans une galerie rendue indécelable.
Deux templiers partent alors pour Rouen et Robert de L’Aigle repart pour Paris rendre compte de la mission et prononcer ses vœux. Avant de se séparer, le commandeur lui donne un signe qui lui permettra, en cas de besoin, de trouver de l’aide. Ce même jour, Hugues de La Celle, conseiller du roi Philippe le Bel, réunit des troupes. Il a préparé avec Guillaume de Nogaret et Guillaume de Marsilly l’attaque de la Villeneuve, le fief des Templiers pour s’emparer de leurs personnes et de leur trésor. Robert, dont le cheval boîte, arrive en vue de Villeneuve. Un vilain lui raconte ce qui s’est passé. Il comprend qu’il doit changer ses plans. Mais il lui faut une monture pour rejoindre ses compagnons à l’embouchure de la Seine et embarquer avec eux si les nefs sont toujours là. Il n’a presque pas d’argent mais sait où en trouver. Il entre dans Paris.
Le vilain, à qui Robert a demandé de s’occuper du cheval, réalise que c’est un Templier. Il le dénonce. Et la traque dans Paris commence. Toute une armée contre un homme seul…
Le romancier anime les principaux acteurs historiques autour de cette recherche du Trésor des Templiers, trésor dont Philippe le Bel avait bien besoin. En parallèle à cette traque, Jean d’Aillon brosse la situation politique, la volonté du roi et celle du pape de se défaire d’un contre-pouvoir devenu trop fort, trop encombrant, gênant pour le développement de leurs projets respectifs. Avec la décapitation de toute la commanderie de l’Ordre, Jacques de Molay en tête, ils étaient assurés de vaincre cet Ordre.
Alors qu’il prête à Philippe le Bel un reste d’honnêteté, un zeste d’humanité, Jean d’Aillon fait de Guillaume de Nogaret, devenu chancelier du roi, garde des Sceaux du royaume de France, le portrait une sinistre crapule, un être sans morale qui n’est pas sans rappeler quelques personnages politiques actuels.
Ce récit complète heureusement un ouvrage précédent du romancier, Le secret de l’enclos du Temple dans lequel Louis Fronsac, un personnage important de la saga Jean d’Aillon, avait fait des découvertes troublantes. L’exactitude historique est une des “marques de fabrique” du romancier. Celui-ci s’attache à être le plus précis possible tant dans la description des lieux, des monuments et autres constructions, que dans ce qui faisait le quotidien des individus.
Les personnages historiques sont remarquablement campés et leurs actes relèvent aussi bien de la grande que de la petite Histoire. Il sait trouver les non-dits, les failles, les oublis des chroniqueurs et se glisse avec brio dans ces silences pour en faire un récit structuré établi sur une base authentique. Ainsi, le lecteur est assuré d’entrer dans un roman où aventures et mystères se mêlent et s’entremêlent avec entrain.
Le romancier décrit, avec une précision presque maniaque, le Paris de l’époque, les us et coutumes du royaume d’Argot en mêlant le destin du héros à celui d’un capitaine du Grand Coësre, le roi e la cour des Miracles. Il donne nombre de détails sur tous les sujets. Il raconte, par exemple, les supplices et les exécutions comme l’enfouissement des femmes pour préserver (sic !) leur pudeur car la roue ou la pendaison aurait pu révéler leur sexe.
Une fois encore, Jean d’Aillon offre un remarquable roman à l’intrigue appuyée sur un canevas solide, des événements et des personnages historiques bien documentés et un héros au caractère bien trempé qu’il glisse dans les interstices de la Grande Histoire.
serge perraud
Jean d’Aillon, La quête du trésor du Temple, Éditions 10/18, coll. “Grands Détectives” n° 5497, août 2019, 432 p. – 8, 40 €.