Une belle conjugaison du thriller et du récit historique !
Ce samedi 28 avril 1945, au bord du lac de Côme, Mussolini, alors qu’il va être exécuté avec sa compagne, reçoit la visite d’un chevalier. Celui-ci lui propose la vie sauve contre le contenu d’une des deux sacoches que le Duce a emportées dans sa fuite. Il refuse.
De nos jours, Cotton Malone est sur les lieux de l’exécution, en mission free-lance pour les services secrets britanniques. Il doit s’emparer des documents cachés dans la maisonnette où le dictateur a passé ses dernières heures. Ce qui intéresse surtout les services secrets, ce sont les lettres échangées, avant la Seconde Guerre mondiale, entre Churchill et Mussolini. Quand il pénètre dans les lieux, qu’on lui avait assuré vides, il trouve un cadavre et doit se défaire d’un ours fureteur.
Dans un petit bois voisin, un chevalier suit à la jumelle les difficultés de Malone. Quand celui-ci peut accéder à la cachette, s’emparer des documents, il se fait assommer. S’il peut se défendre, il ne peut pas empêcher leur disparition.
Luke a été envoyé à Malte pour surveiller le cardinal Kastor Gallo, un ultra-orthodoxe, qui vient d’arriver alors qu’il devrait être à Rome pour l’ouverture du conclave le lendemain. Il se fait repérer, capturer… Commence alors, pour Cotton Malone et Luke une traque dangereuse pour remettre la main sur ces documents sans se douter que ceux-ci les amèneront à déchiffrer nombre d’énigmes historico-religieuses.
Steve Berry adosse son récit sur les origines du christianisme, sur cette période où furent posés les fondements de la religion catholique mais qui reste bien obscure. Il s’intéresse au Vatican, à ses structures, au fonctionnement de son administration et aux divers courants qui le composent. Il explicite les différences entre le Saint-Siège et l’État papal. Mais, qui dit Vatican dit religion catholique romaine, la composante incontournable. L’auteur met en scène la recherche de Nostra Trinità, un document fondateur dont la divulgation remettrait en cause la crédibilité même de la religion catholique.
Avec cette matière, il conçoit une superbe intrigue autour de Cotton Malone et de Luke. Le premier est considéré comme le meilleur espion de tous les temps. Il a œuvré pendant une dizaine d’années au service du ministère de la Justice des USA, au sein de la division Magellan, une unité spéciale de renseignement. Aujourd’hui libraire à Copenhague, il mène des missions en free-lance. Le second est le neveu d’un ex-Président des USA devenu sénateur. Il souhaite marcher dans les pas de Cotton, son maître.
Steve Berry intègre, dans un maelström d’actions musclées et de données de toutes natures, des conflits, des combats, des traîtrises, des luttes, une route semée de cadavres, des récits historiques, des descriptions précises de monuments, de sites et l’essentiel de l’organisation de la Curie au Vatican, de la corruption qui y règne. Il décrit la mort de Mussolini, revient sur la procédure d’élection d’un pape, en présente toutes les tractations plus ou moins honnêtes.
Il fait montre d’une belle connaissance de la liturgie et du droit canonique. Il met en scène la Sainte-Alliance, devenue l’Organisme, le service secret de l’Église créé sous Pie V pour mettre fin à l’hérésie du temps d’Elizabeth Ire. Il décrit le carré Sator, ce palindrome de cinq mots à relier aux premiers chrétiens.
Malte occupe une place de premier plan dans le récit. Ce rocher aride est stratégique car il est la frontière la plus au sud de l’Union européenne. Cette île a subi au cours des siècles nombre d’invasions qui n’ont pas toutes réussi. La dernière en date se situe lors de la Seconde Guerre mondiale quand Hitler a fait lâcher sur elle plus de bombes que sur Londres. Elle a servi de refuge à l’Ordre des Hospitaliers, un ordre dont l’origine remonte à plus de neuf cents ans.
Le romancier introduit dans ce livre au contenu dense une multitude de précisions, de remarques. Il fait preuve, dans le domaine de la foi, d’un certain scepticisme face à la nature humaine. L’Église a été créée par des hommes et elle est gérée par eux ! Il détaille ainsi longuement les incertitudes qui entourent ce fameux concile de Nicée où Constantin a posé les premières pierres d’une religion d’Etat avec toutes les collusions et les dérives que cela implique.
Avec Steve Berry, le lecteur est assuré d’un récit tonique, nourri au plus près de la réalité en fonction du sujet retenu pour le livre, de bases historiques d’une grande exactitude. Ici, il fait merveille avec le goût du pouvoir, la volonté d’y accéder et… de le garder, au sein d’une organisation où cela ne devrait pas exister,
serge perraud
Steve Berry, Le Dernier Secret du Vatican (The Malta Exchange), traduit de l’anglais (États-Unis) par Sophie Aslanides, Le cherche midi, coll. “Thriller”, juin 2019, 512 p. – 23,00 €.