Une nouvelle enquête, la septième, du journaliste d’investigation Jack Parlabane, en Écosse. Il affronte une femme, une machination et son propre divorce.
Il a perdu de sa force et ne reçoit plus de menaces de personnes que ses articles ont énervés. Cependant…
Au tribunal, tout le monde écoute l’enregistrement d’un appel dans lequel une dame est témoin d’un accident. Une voiture a quitté la route vers les Chutes de la Veuve. C’est le procès de Diana Jager, une chirurgienne accusée du meurtre de son mari, épousé il y a six mois.
Elle est sans illusions, elle sait qu’elle est considérée comme une abomination, n’attendant ni compassion, ni pardon. Elle veut bien être coupable, mais ne pas être condamnée, estimant que personne ne peut la juger avant de connaître toute la vérité.
Aux yeux du public, elle est une femme qui avait trouvé l’amour avant qu’il ne soit trop tard. Mais la comédie romantique a tourné au mélo. La chirurgienne n’avait-elle pas eu le cœur brisé quand l’homme avec qui elle avait commencé une nouvelle vie avait plongé, au volant de sa voiture, dans une rivière glacée ?
Mais Jack Parlabane, un journaliste has been, y avait regardé de plus près à la demande de la sœur de la victime. Cette veuve semblait ne ressentir aucun chagrin. Elle restait froide, distante. Et les éléments à charge se sont accumulés comme la diffusion, du fait de son mari, d’une sextape tournée à son insu, son compte bancaire vidé sans son assentiment… De plus, au moment de l’accident, elle portait la marque d’un coup sur la joue…
C’est avec les parcours des trois principaux personnages que le romancier déploie son intrigue. Diana Jager relate, depuis son enfance, les événements, les circonstances, les raisons qui l’ont conduite à embrasser sa carrière, sa vie de célibataire totalement investie dans son travail, sa rencontre avec l’homme idéal et les déceptions qui ont suivi. Elle raconte aussi sa révolte contre le sexisme dans le milieu chirurgical qui l’a amené à créer un blog pour dénoncer les abus qu’elle constate et compiler les témoignages qu’elle peut recevoir. Quand son identité est découverte et dévoilée, c’est le déferlement des torrents de haine, d’insultes, de menaces qui l’obligent à changer de lieux de vie.
Jack Parlabane, un journaliste sur la voie descendante, en proie au malaise d’un divorce mal vécu, s’attache à trouver la vérité dans cet imbroglio. La policière qui était sur les lieux du drame mène une enquête non officielle à partir du scénario qu’elle a construit sur cette affaire.
Ce récit aboutit à une conclusion remarquable tant elle est inattendue. Cette aventure de Jack Parlabane, le héros favori du romancier, décrit les milieux médicaux particulièrement ceux de la chirurgie où règne un climat sexiste peu commun. Chris Brookmyre utilise, pour son intrigue démoniaque, les moyens modernes dit de communication, ces sites Internet, ces blogs, ces réseaux appelés “sociaux” où le pire, en grande quantité, côtoie le meilleur, en part infime.
Il structure une partie de son récit avec cette diffusion de données, les réflexions qu’elles suscitent, les menaces de coups, de viols, de mort… qui fleurissent sans aucune limitation, les auteurs se sachant protégés par un quasi anonymat. L’auteur pose des questions de fond quant aux regards bien différents portés sur les mêmes actes commis par des hommes ou par des femmes. Publié en 2016, ce livre se révèle en avance de quelques années sur notre actualité dans ce domaine.
Après une description peu flatteuse du milieu médical, le romancier montre celui des informaticiens qui gèrent les réseaux, outils aujourd’hui indispensables pour pouvoir travailler dans presque tous les domaines. Il affiche leur suffisance voire leur morgue. C’est un individu de cette caste qui, se révélant fort différent, va enclencher la série d’événements amenant vers ce final éblouissant.
Pour entourer ses trois personnages principaux, dont il fait ressortir avec brio leur richesse en émotions et sentiments, Brookmyre conçoit une galerie de protagonistes aux profils sociaux bien différents, aux caractères étoffés. Il livre nombre de réflexions, de pensées sur la vie, sur la société comme par exemple : “…il paraît qu’une femme ne semble jamais aussi belle que quand elle sort de votre vie.”
Avec ce roman, Chris Brookmyre se révèle un maître dans l’art du récit, de la succession de portraits saisissants de vérité et pour la construction d’intrigues retorses et brillantes à souhait.
Un auteur à découvrir sans retard !
serge perraud
Chris Brookmyre, Sombre avec moi (Black Widow), traduit de l’anglais (Écosse) par Céline Schwaller, Métailié, coll. Thriller, avril 2019, 496 p. – 22,00 €.