André Juillard & Nelly Maurel, La Honte — 50 nuances de rouge

À décou­vrir sans honte !

Jean Annes­tay a demandé à André Juillard de lui four­nir un cer­tain nombre de des­sins, cro­quis de nus réa­li­sés tout au long de sa riche car­rière pour un recueil inti­tulé La Honte. Celui-ci a fouillé dans ses car­tons, dans ses mil­liers d’esquisses et études. Il en a sélec­tionné une cen­taine, tous repré­sen­tants l’idéal fémi­nin plus ou moins vêtu.
Paral­lè­le­ment, Nelly Mau­rel a sélec­tionné nombre de cita­tions de per­son­na­li­tés plus ou moins célèbres ayant trait à la honte. Elle a par­tagé cette mois­son en sept par­ties. Elle place, en ouver­ture de ces sortes de cha­pitres, une par­tie du flo­ri­lège recueilli. On trouve ainsi, des citions de Bal­zac, Gide, Tol­stoï, Sénèque…, des pro­verbes turc, arabe, per­san, danois…

Le recueil s’ouvre sur un conte de Nelly Mau­rel où elle met en scène un gar­çon du nom d’Aldo qui est la proie d’une pho­bie. Il déteste être observé à son insu, être sur­pris dans une atti­tude qu’il n’a pas contrô­lée. Il habite un appar­te­ment sans vis-à-vis et s’arrange tou­jours pour regar­der sans être vu.
Cepen­dant, il est très sociable et sa gen­tillesse lui amène de nom­breux amis. C’est à qua­rante ans qu’il prend conscience qu’il va mou­rir et que son corps sera, alors, exposé à la vue de tout le monde…

En regard de chaque des­sin d’André Juillard, Nelly Mau­rel a placé une phrase de son cru rela­tive à la honte que l’on peut éprou­ver ou celle rela­tive à l’attitude d’un indi­vidu qui devrait la res­sen­tir. Il en résulte un amu­se­ment, une inter­pel­la­tion, quelque chose d’intrigant voire de trou­blant dans ce face à face entre cette réflexion et l’esquisse ou le des­sin d’André Juillard.
Celui-ci a pio­ché dans ses réserves pour don­ner des études, des recherches sur des per­son­nages fémi­nins dont on recon­naît cer­tains pour les avoir ren­con­trés dans des albums. Ceux-ci, sor­tis de leur contexte, du dérou­le­ment de l’histoire, de l’intrigue imposent une autre vision, sus­citent d’autres réac­tions, donnent une nou­velle approche de l’héroïne. C’est inter­ro­ga­tif et d’une pro­fonde injonction.

En guise de post­face Jean Annes­tay livre une série de réflexions inti­tu­lées L’incongruité de la honte où il détaille le rap­pro­che­ment des deux œuvres et ce qu’il en résulte. Il conclut l’ouvrage par un cours para­graphe retra­çant la genèse de ce livre, de l’idée de départ à la conclu­sion.
Si le talent d’André Juillard ne fait plus de doute depuis long­temps tant il a habi­tué ses lec­teurs à des planches d’une grande beauté, Nelly Mau­rel béné­fi­cie d’une aura moins riche. Pour­tant, ses écrits retiennent l’attention par la per­ti­nence avec laquelle elle a asso­cié maximes et des­sin. Par ailleurs, elle mène une car­rière avec des œuvres mul­ti­formes qui reposent sur le jeu entre le mot et l’image. Elle était donc tout à fait à l’aise pour cette forme inha­bi­tuelle d’art-book.

Une belle idée que ce livre, à dégus­ter sans modé­ra­tion tant pour l’écrit que pour les magni­fiques des­sins d’un maître de la BD au som­met de son art.

serge per­raud

André Juillard (des­sins), Nelly Mau­rel (écrits), Jean Annes­tay (post­face), La Honte — 50 nuances de rouge, Édi­tion i, coll. “TAGS”, juin 2019, 164 p. – 22,90 €.

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