Un enterrement de vie de garçon peut mal se dérouler si, comme Michael Harrison, on finit vivant dans un cerceuil.
Michael Harrison va se marier avec une femme belle à souhait. Avec quatre de ses amis, il fait la tournée des pubs pour son enterrement de vie de garçon. Michael Harrison est un adepte des blagues de mauvais goût. Ses amis ont décidé de se venger. Ils le saoulent, avant de le coucher dans un cercueil et de l’enterrer avec un magazine porno, une bouteille de whisky et un talkie-walkie dont le modulateur de fréquence a été collé pour ne fonctionner qu’avec le leur. Et puis c’est le drame. Les quatre amis sont victimes d’un accident de la route auquel aucun ne survivra. Ce qui devait être une blague de deux heures devient un vrai cauchemar pour un Michael Harrison dégrisé. Sur les lieux de l’accident, c’est le fils du dépanneur qui récupère l’autre talkie-walkie. Or ce grand enfant est aussi attardé et passe son temps à s’imaginer faisant partie des séries télévisées qu’il regarde. Ce talkie-walkie sera son secret, et il ne l’utilisera que quand bon lui semble. Mais ce n’est pas grave car l’associé de Michael est aussi son témoin de mariage. Et s’il n’était pas là pour cet enterrement de vie de garçon, c’est parce que son avion a été retardé par le brouillard. En revanche, il était au courant de ce que les amis de Michael projetaient. Sauf qu’il jure ses grands dieux que non. C’est une fiancée affolée et angoissée qui demande son aide au commissaire de police Roy Grace. Il doit retrouver Michael Harrison. Ce dernier n’ayant aucune raison valable d’abandonner sa jolie fiancée à deux jours d’un mariage qu’il espérait de tout son cœur.
Roy Grace est un policier atypique. Parce qu’il lui arrive de faire appel à des voyants — adeptes du paranormal ? charlatans ? Au choix. Et sa femme le hante toujours autant : plus de dix ans après sa disparition énigmatique, le commissaire ne s’est toujours pas résolu à refaire sa vie. Pourtant, les femmes ne manquent pas dans son entourage, à commencer par la ravissante Cleo, médecin légiste dont il croise le chemin un peu trop souvent en ce moment. Il y a quelque chose qui cloche. Aussi bien chez l’associé — qui aurait beaucoup à gagner avec la mort de Michael Harrison - que chez la fiancée, une menteuse invétérée dont le passé reste dans l’ombre. Car Roy Grace à un moyen infaillible pour savoir si on lui ment ou non. Chaque individu a sa tête qui penche d’un côté ou de l’autre selon qu’il va fouiller aux tréfonds de sa mémoire ou qu’il cherhce une alternative plausible à la vérité. Le tout est de déterminer quel hémisphère se rapporte au mensonge. C’est pourquoi le commissaire débute toujours ses interrogatoires par une question sans incidence aucune : “Qu’avez-vous mangé ce midi ?” Mais il faut se dépêcher. Les heures passent vite et la vie de Michael Harrison, si tant est qu’il soit toujours en vie, est entre ses mains.
Dès le début de Comme une tombe, le lecteur averti est sûr d’une chose : l’associé se fera un plaisir de taire ce qu’il sait. Sa jalousie est évidente, et il trouve là, même si c’est le fruit du hasard, une juste — du moins à ses yeux — vengeance. Tous les éléments sont contre Michael Harrison. Et encore. Le lecteur n’est pas au bout de ses découvertes : alors qu’on s’oriente vers un suspense haletant mais somme toute classique, d’autres éléments viennent se rajouter à l’intrigue. Au début, on pense même que c’est de trop. Peter James semble proposer une trame bien trop complexe pour que l’on y croie, comme si elle s’enterrait avec son protagoniste. Puis, à force d’en rajouter, il obtient ce qu’il cherchait : une course contre la montre, contre la mort, digne d’un Robert Bloch — celui de Psychose — des grands jours. L’intrigue devient crédible, et insoutenable. Machiavélique à souhait. Car les ultimes rouages n’entrent en jeu qu’à la fin, comme dans tout bon suspense, mais surprennent odieusement. Enfin, le paranormal est en filigrane dans ce roman — mais seulement parce que c’est le credo de Roy Grace. Le lecteur est libre de penser que les maigres découvertes faites par les voyants du roman sont le fruit du hasard. Ou pas… On comprend parfaitement pourquoi ce roman, très rythmé avec ses 90 chapitres qui sont autant de moyens de redynamiser l’intrigue, a été traduit dans 17 pays pour devenir un best-seller. Il y aura, à n’en pas douter, une adaptation cinématographique car tout est visuel. Le réalisateur s’en donnera à cœur joie.
julien védrenne
Peter James, Comme une tombe (traduit de l’anglais par Raphaëlle Dedourge), Éditions du Panama, mars 2006, 442 p. — 21,00 €. |