Abel Salinas, privé chic et de choc, revient sur sa dernière enquête alors qu’il fait la queue pour une gaufre royale.
Abel Salinas est un privé comme il en existe des dizaines dans la littérature. Tel Burma, il n’arrive pas à payer, en fin de mois, sa secrétaire. Mais cette dernière est loin d’être aussi sexy et aguichante que la belle Hélène (qui est tout sauf une poire). Car Édith Lair est une petite quinquagénaire. À l’instar de Burma l’essentiel de ses revenus provient de sordides histoires de cocufiage. Comme avec Burma, il y a toujours une enquête atypique pour venir chambouler tout ça. Mais à l’inverse de Burma, on l’entend ressasser ses vieux souvenirs d’enfance avec une Maman aussi douce et aimante qu’une porte de prison, et un père qui s’adonnait à la boisson - un goût dont il a légèrement hérité, avec en plus un attrait pour les gaufres.
Alors cette enquête. Quelle est-elle ? Maître Beausang, à l’approche de la retraite et du Jugement dernier, veut régler ses comptes avec la société. Une vieille affaire qu’il gérait le tourmente : un innocent avait été condamné. Et bien sûr, il ne se sentira en paix qu’une fois ce tort réparé. Edo Gradine, Letton d’origine, coule des jours paisibles en prison. Parce que le cadavre de Beverly Poulot, est son ancienne poule, n’a jamais été retrouvé et qu’il était l’accusé idéal - avec, en plus, une maîtrise du français qui était loin d’être parfaite. Abel, notre privé de choc, repart sur de saines bases. L’enquête a piétiné ? On recommence depuis le début. Dès la naissance de Beverly. Et en bon privé, il remue la fange et les vieux souvenirs qui l’emmènent tout droit au coeur du seizième arrondissement parisien, dans la demeure d’un ponte de l’économie. Un de ceux qui se croient au-dessus des lois.
Gaufre royale est avant tout un roman à style. Si l’intrigue reste classique, le récit se décline au gré des errements de la pensée d’Abel Salinas qui fait la queue pour une gaufre, du côté de Villers-sur-mer. Un coup “tu “, un coup “il” ou, bien sûr, un coup “je” pour une narration qui évolue sans cesse entre passé et présent. Alors l’effet peut surprendre. Le texte se retrouve un peu plus haché, en totale opposition avec une enquête à la linéarité plus que classique. C’est sûrement ce qui a motivé le grand Max. Alors, complètement fou, Max ? On peut en douter sans pour autant écarter l’hypothèse. Mad Max Obione est un amateur du genre déroutant et déjanté. Les thèmes, il se les impose, et quand la malchance s’en mêle, il les honore d’un beau pastiche. Calamar au sang était déjà un modèle-type, calque impeccable du “Poulpe”. Avec Gaufre royale, il nous propose un hard boiled normand dont les quelques petites imperfections ne nous empêchent pas d’être convaincus du talent d’un auteur dont la plume semble avoir “jouissance” pour leitmotiv.
julien védrenne
Max Obione, Gaufre royale, Éditions Krakœn, décembre 2004, 144 p. — 8,00 €. |