Stéphanie Benson, Tolérance zéro

Sixième et der­nier volet de la série Epi­cur — l’unité d’élite euro­péenne qui traque les tra­fi­quants d’organes.

On ne pré­sente plus Sté­pha­nie Ben­son. Outre les pièces radio­pho­niques qu’elle écrit pour France Inter, elle sévit, depuis 1995, dans de nom­breuses mai­sons d’édition, des plus connues (Le Seuil, Albin Michel, Gal­li­mard) aux plus obs­cures mais non moins pres­ti­gieuses (Orion, Degliame, du Rico­chet). Son champ d’investigation est vaste. Entre le roman d’anticipation, tel Le Pas­sage, dans la col­lec­tion “Macno” des édi­tions Baleine, et le roman poli­cier jeu­nesse comme Ronan de défai­seur, publié dans la col­lec­tion “Tipik” des édi­tions Magnard, Sté­pha­nie Ben­son a déjà mon­tré à maintes reprises ses qua­li­tés lit­té­raires. La dimen­sion sou­vent très visuelle de ses récits trouve son abou­tis­se­ment dans ce sixième volet d’Epi­cur, vaste fresque roma­nesque située dans un monde futu­riste, cham­boulé par de nom­breux chan­ge­ments poli­tiques, idéo­lo­giques et religieux.

Epicur est l’unité d’élite euro­péenne par excel­lence. Mal­heu­reu­se­ment, elle est en pleine crise. Ugo Mabian, le membre le plus cha­ris­ma­tique, a trahi et dis­paru. Diri­gée de façon quasi dic­ta­to­riale par Tommy — que per­sonne n’a jamais vu ni entendu, qui donne ses ordres par inter­faces infor­ma­tiques — Epi­cur est ame­née à enquê­ter sur un vaste tra­fic d’organes dans la ban­lieue bor­de­laise. Là, des enfants sont assas­si­nés avant de deve­nir “sujets com­pa­tibles” pour des greffes. Tout serait passé inaperçu sans le zèle de Xavier Zago, un obs­cur ins­pec­teur du SRPJ de Bor­deaux sur­pris de la réac­ti­vité des hôpi­taux. En ce monde plus ou moins fata­liste, il conserve une cer­taine idée de ce que sont l’éthique et la morale. En secret, et contre l’avis de sa hié­rar­chie, il contacte donc Epi­cur, qui envoie alors ses meilleurs agents.

Tous, mal­gré leurs com­pé­tences, doutent, et sont en proie aux inter­ro­ga­tions per­son­nelles. Les rela­tions humaines sont impor­tantes. De plus, tous ont l’intime convic­tion qu’Epicur vit ses der­nières heures. Que le dénoue­ment est proche, et que les guette un dan­ger plus grave que celui généré par des tra­fi­quants d’organes en liai­son avec la mafia russe. D’autant que Caleb Blan­chot perd vite son calme. Et on le com­prend : sa petite sœur a dis­paru. Vic­time des tra­fi­quants ? À moins qu’il ne s’agisse d’un vul­gaire piège pour entraî­ner un des membres d’Epicur à sor­tir de son antre. Et là, le malaise devient de plus en plus pré­gnant. La ten­sion monte. Un traître est dans l’unité. Et tout le monde se regarde en chien de faïence.

Le monde pro­posé par Sté­pha­nie Ben­son pour­rait bien être celui de demain. Pour notre plus grand mal­heur. Tolé­rance zéro rime avec Ground zero. Et ce n’est pas un hasard. L’évolution conduit à un pro­fond radi­ca­lisme où les sen­ti­ments n’ont pas leur place. Les mondes se cloi­sonnent, et l’hyper-protectionnisme est de mise. 
L’intrigue tient la route, les dif­fé­rents pro­ta­go­nistes sont assez bien étof­fés, mais il faut recon­naître que le livre n’a de réel attrait qu’à la condi­tion d’avoir lu aupa­ra­vant les autres épi­sodes, tous publiés au Seuil (le pre­mier était Car­ni­vore Express, paru en 2000). Cette lec­ture ravira sur­tout ceux qui aiment les enquêtes situées dans un monde fitu­riste déchiré et glauque à souhait.

julien védrenne

   
 

Sté­pha­nie Ben­son, Tolé­rance zéro, Les Contre­ban­diers édi­teurs, jan­vier 2006, 218 p. — 7,00 €.

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