Amalia Achard ne s’est pas contentée de traduire ces aphorismes : elle en a fait une judicieuse sélection en refusant d’offrir un thème directeur qui nuirait à la propédeutique du poète roumain.
Les aphorismes de Petrescu-Redi en effet embrassent le monde dans une suite de déclinaisons.
Le lecteur pourra y trouver sa propre sagesse là où la forme la plus ramassée ne déforme pas la pensée mais la tord : “Agenouillé, le flatteur joue au nain qui observe les géants” et soudain tout est dit de ces empailleurs qui rêvent d’être empaillés mais qui, pour l’heure, se tiennent au rang d’orpailleurs faussaires
Petrescu-Redi n’est pas habité comme Cioran d’une radicalité qui, parfois, le caricatura. Son “héritier” est plus souple et sa pensée reste plus critique qu’existentialiste. Le poète demeure sensible aux faux semblants qui pourrissent le monde : “On accueille les pauvres à bras ouverts. C’est à dire les mains vides” ou encore “certains bâtissent des passerelles mais ils minent les ponts”. Si bien que tout un état de l’existence “chorale” ou plutôt dissonante est tissé.
Ce n’est pas forcement l’occasion d’une fête mais les mots sont justes, les comparaisons et les images judicieuses. Il est vrai que Petrescu-Redi a trouvé sans doute dans l’aphorisme son genre d’élection. Il reste un poète de la concision et qui, la soixantaine finissant, a atteint cette “joie du fou” qui n’attriste plus le sage mais fait de ce dernier celui qui a appris à sortir des retranchements pour s’affirmer (et le monde avec) sans peur et en se moquant des reproches que les pisse-froid pourraient lui adresser.
L’aphorisme dans sa briéveté permet donc à la lumière de s’élever en un volume condensé où nagent les mots. Ils ont scié ici les cordes qui les retenaient aux lourdeurs des discours. Mais, pour en arriver là, c’est toute une histoire de vie et d’écriture.
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jean-paul gavard-perret
Nicolae Petrescu-Redi, Larmes au périscope, traduction d’Amalia Achard, Editions Stellamaris, Brest, 2019, 250 p. — 24,00 €.
Je remercie beaucoup le réputé et tant apprécié critique littéraire Jean-Paul Gavard-Perret, pour l’honneur qu’il me fait en écrivant cet article.
Nicolae Petrescu + Redi