Pierre Chiron, Le collier du rat noir

Une magni­fique enquête !

Au Père Lachaise, Ginny et Paul assistent dis­crè­te­ment à l’inhumation de Mirko G., ci-devant ministre de la Jus­tice, garde des Sceaux, pré­da­teur sexuel et assas­sin en série. À l’instant où une per­sonne proche du défunt lance la pre­mière pel­le­tée de terre, ils sont trois à entendre un bruit sourd : “…comme si la Bête, là-dessous, s’était brus­que­ment réveillée et deman­dait à sor­tir.” Ils com­prennent que l’affaire n’est pas finie.
Cette scène est l’épilogue d’une longue enquête par laquelle Ginny et Paul ont accu­mulé, non sans risques et dan­gers, des preuves contre un homme poli­tique puis­sant. Mais com­ment une jeune jour­na­liste pigiste et un bien moins jeune enseignant-chercheur ont-ils été entraî­nés dans cette aventure ?

C’est la concor­dance entre une plainte pour har­cè­le­ment contre un ministre en exer­cice et la paru­tion, dans un jour­nal régio­nal, d’un article évo­quant un élé­ment nou­veau. Celui-ci est rela­tif à des dis­pa­ri­tions de jeunes filles, il y a vingt-cinq ans, dans la région nan­taise là où ledit ministre a passé sa jeu­nesse.
Paul ren­contre la femme qui a porté plainte alors que Ginny va sur place ren­con­trer l’auteur de l’article. Ce qu’elle découvre est effarant…

Ce couple de héros se défi­nit comme des observateurs-acteurs et agissent pour com­prendre et faire pro­gres­ser la société où ils évo­luent, où nous évo­luons. Ginny défend la cause des femmes, lutte pour leur liberté et le res­pect qui leur est dû. Ils font office, en quelque sorte, de lan­ceurs d’alertes, atten­tifs à ce qui se passe. Ni poli­ciers, ni enquê­teurs paten­tés, ils cherchent des élé­ments sus­cep­tibles de relan­cer une enquête, de la faire avan­cer quand des freins, des obs­tacles la bloquent ou tentent de la faire oublier.
Ils usent des moyens qui sont à leur dis­po­si­tion en tant que jour­na­liste et uni­ver­si­taire. Avec la pré­sente enquête, ils s’attaquent à un ministre en exer­cice, un indi­vidu qui appar­tient à une caste qui ne rend aucun compte. L’actualité récente et brû­lante illustre bien, avec quelques beaux spé­ci­mens, les dif­fi­cul­tés, que les enquê­teurs, la jus­tice éprouvent à faire régner l’égalité devant la loi républicaine.

Alter­nant les témoi­gnages de Ginny et Paul, Pierre Chi­ron pro­pose un récit à deux regards, à deux voix et à quatre mains, cha­cun expo­sant ses recherches, ses argu­ments, sa vision des faits, des évé­ne­ments selon sa per­son­na­lité, sa psy­cho­lo­gie. Il livre, ainsi, une his­toire vivante, dyna­mique, char­gée en ten­sion où l’humour est très pré­sent.
Le roman­cier réus­sit le tour de force, en livrant dès les pre­mières pages des infor­ma­tions essen­tielles, défi­ni­tives, d’accrocher l’attention du lec­teur et de main­te­nir un sus­pense à coups de péri­pé­ties et de rebon­dis­se­ments ame­nés de belle manière. Autour des deux héros, il fait gra­vi­ter une gale­rie de per­son­nages fort réus­sie tant par le choix des pro­ta­go­nistes que par leur diver­sité sociale et psychologique.

Le roman­cier s’inspire-t-il de Conan Doyle et des célèbres untold sto­ries, en citant une autre enquête, au thème attrac­tif, sur laquelle les deux héros tra­vaillent ? On for­mule des vœux pour que celle-ci fasse le sujet d’un pro­chain roman. Le col­lier du rat noir, le second roman de Pierre Chi­ron, après Bleu, Mar­gue­rite et l’abominable L. (l’aube – 2018) révèle un auteur à l’incontestable talent et qui sait mettre en scène des héros si empathiques.

serge per­raud

Pierre Chi­ron, Le col­lier du rat noir, Édi­tions de l’aube, coll. “Aube noire”, juin 2019, 184 p. – 17,90 €.

Leave a Comment

Filed under Pôle noir / Thriller

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

*

Vous pouvez utiliser ces balises et attributs HTML : <a href="" title=""> <abbr title=""> <acronym title=""> <b> <blockquote cite=""> <cite> <code> <del datetime=""> <em> <i> <q cite=""> <strike> <strong>