Fille de bonne famille normande, Lucie Delarue Mardrus est une auteure aussi oubliée que prolifique : plus de 70 romans à son actif mais aussi des recueils de poèmes, ses Mémoires, des contes, nouvelles et des pièces de théâtre. Le tout pour évoquer la vie intime des femmes mais aussi la nature, auquel s’ajoute un travail de plasticienne sculptrice vers la fin de sa vie.
Marie Laure Dagoit a la bonne idée de la ressortir de l’ombre. Et ce, non sans raison. D’autant que l’auteure est une aventurière des temps modernes. Elle fréquente le milieu artistique de la capitale. Ses parents refusent à Philippe Pétain (à l’époque capitaine) sa main. Et celle qu’on surnomme « Princesse Amande », épouse l’orientaliste J-CH Merdrus duquel elle divorcera mais avec lequel elle effectue de nombreux voyages en Afrique du Nord et au Moyen-Orient.
Attirée par les femmes, elle devient l’amante de Natalie Barney, Germaine de Castro entre autres. Son mari, consentant et soucieux de la beauté de son épouse — qu’il veut garder intacte -, va jusqu’à proposer à Natalie Barney de lui faire un enfant en lieu et place de l’aimée. Lucie devient l’égerie de nombreux artistes. Elle est aussi infirmière pendant la Première Guerre mondiale et aménage dès cette époque Quai Voltaire où elle vivra jusqu’en 1936. Elle passe néanmoins beaucoup de temps à Honfleur et meurt en 1945.
Dans ce coffret de morceaux choisis, l’auteure se révèle romancière et poétesse de grande classe et chroniqueuse d’une certaine “mistoufle” huppée parisienne. Elle apparaît comme une femme libre et touche à tout.
Repérée dès le début du XXème siècle par la Revue Blanche, elle décrit la puissance de la passion, les amours secrètes et leurs souffles de tempête. Mais la “Pirate” est autant attirée par la vie de Saintes (Thérèse de Lisieux) que par les amours de Wilde, l’existence de “bâtard” de Guillaume le Conquérant et le brouhaha des mondanités parisiennes ou de l’Orient.
Ces visions kaléidoscopiques sans doute trop disparates ont paradoxalement nui à sa postérité. Existe pourtant toujours dans ses livres des postures réactives et émotionnelles. En femme du monde, elle trouva les mots pour les dire et les faire ressentir.
jean-paul gavard-perret
Lucie Delarue-Mardrus, Coffret , Editions Derrière la Salle de Bains, Rouen 2019 — 20,00 €.
Seuls Marie-Laure Dagoit et JPGP pouvaient sortir de l’ombre Lucie Delarue-Mardrus qui fut le sortilège des enfants du baby boom .