Jean-Paul Jody, La Position du missionnaire

Un roman noir, rouge du sang des vic­times du géno­cide rwan­dais — soit un mil­lion de morts…

C’est avec ce titre pro­vo­ca­teur, La Posi­tion du mis­sion­naire, que Jean-Paul Jody nous emmène décou­vrir les hor­reurs du géno­cide rwan­dais. Ici, le vieux conti­nent, France et Bel­gique en tête, n’est pas épar­gné. On ne pourra pas taxer l’auteur d’opportunisme ou de pen­sée com­plai­sante. À la fin de l’ouvrage, qua­torze pages recensent les sources biblio­gra­phiques. On com­prend alors toute l’importance que ce cata­clysme humain a eue pour Jody.

Mais reve­nons à la fic­tion, puisqu’au début, il y a roman. Kins­coff, un privé, est chargé de retrou­ver Aimé, quelque part entre la Bel­gique, le nord de la France et Paris. Le moins qu’on puisse dire est que ce Rwan­dais d’origine est dif­fi­cile à cer­ner. D’autant que s’il se terre, c’est qu’il a sûre­ment ses rai­sons. D’autres sont à sa poursuite.

En bon privé, Kins­coff va être un vrai fouille-merde. Et cette merde, ben, elle pue vrai­ment la merde. Et l’argent. Ou les dia­mants. Bref, elle pue et attire les mer­deux comme des mouches. Dix ans après la tra­gé­die, Kins­coff va décou­vrir l’inimaginable. Com­ment on aurait pu évi­ter un mil­lion de morts si on l’avait voulu. Mais voilà, il y a un “si” qui est lourd de conséquences.

Entre mas­sacres à la machette, fuite éper­due à tra­vers le pays alors que la mort emporte tout sur son pas­sage dans un tumulte assour­dis­sant et devant un par­terre de bonnes âmes consen­tantes, et enfin, retour à une civi­li­sa­tion qui n’a de civi­lisé que le nom, c’est un long voyage en apnée qui nous est pro­posé. On découvre par les yeux de Kins­coff ce qui n’existe que dans les romans d’horreur. Or ce roman-là, qui tient plus du “docu-fiction”, comme on dit de nos jours, est le témoi­gnage de ce qui s’est passé, à por­tée d’avion, il y a main­te­nant un peu plus d’une décen­nie. Coluche disait, de façon pro­vo­ca­trice, pré­fé­rer une guerre à une autre parce qu’elle était plus éloi­gnée de la France et que ça fai­sait plus propre. Depuis sa mort, les guerres se sont rap­pro­chées. Et il avait rai­son. Elles sont de moins en moins propres. Même les plus éloignées.

Trois cent quarante-cinq pages pour témoi­gner du Rwanda. C’est beau­coup et c’est bien peu. Les qua­torze pages de sources biblio­gra­phiques devraient se suf­fire à elles-mêmes. D’autant que ces sources émanent de gens qui ont côtoyé cette mons­truo­sité de la fin du XXe siècle. Et alors ? Il en fau­drait plus pour fer­mer le cla­pet à ce sosie de Clint East­wood. Et c’est tant mieux. Même si ça fait mal au bide.

La Posi­tion du mis­sion­naire a été primé au fes­ti­val du roman poli­cier de Cognac, en 2004. Et vous pou­vez retrou­ver l’ambiance noire de Jean-Paul “East­wood” Jody ici.

julien védrenne

   
 

Jean-Paul Jody, La Posi­tion du mis­sion­naire, Les Contre­ban­diers édi­teurs, août 2004, 345 p. — 19,00 €.

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