Grâce à ce précieux coffret de quatre livrets, Marie-Laure Dagoit illustre le rôle qu’a joué Anna de Noailles dans le surréalisme et plus généralement au sein des mouvements de l’avant-garde. Celle qui offrit aux artistes un espace et des fonds sans souci de la moindre spéculation ou retour sur investissement ouvrit l’art et la littérature de son temps — de l’architecture à la peinture, de la sculpture à la poésie.
Les quatre livrets offrent divers aspects d’une femme moins désinvolte qu’il n’y parut. L’intelligence du cœur, la beauté du corps, l’impertinence de l’esprit et du goût firent d’elle une femme libre dont les choix demeureraient d’autant plus forts qu’elle savait les argumenter.
Se servant de sa richesse sans la moindre vanité, elle repéra les créateurs qui parfois et bien plus qu’elle se fendirent “en remugles de mondanités”. On se souvient de Breton et ses amis accompagnant la Comtesse dans sa berline de luxe. Elle fut souvent plus vivante et plus libre qu’eux. Certains de ses choix annoncèrent les mouvements à venir — Situationnisme compris.
Et, à son échelle, elle fit de sa villa du sud une sorte de petit Versailles. Aux étouffements des écoles et des carcans, elle opposa sa volonté de chercher les divers “Vases Communicants” que toute avancée peut produire. D’où la qualité de son travail souvent sourd et discret.
Sans elle, l’art de la première partie du XXème siècle n’aurait pas été ce qu’il fut. Ni ce qu’il reste.
jean-paul gavard-perret
Anna de Noailles, Coffret, Les éditions derrière le salle de bains, Rouen, 2019 — 20,00 €.