Valéry Molet voudrait souvent cultiver une certaine alacrité et la légèreté de l’être. Mais chacun sait que le besoin d’écrire traduit un penchant contraire — sauf ceux qui conçoivent la littérature comme une commodité de la conversation. L’auteur d’ Aucune ancre au fond de l’abîme connaît la force de la lettre afin que le “parlêtre” dont parle Lacan puisse y greffer le passage de ses désirs et de ses angoisses.
Chaque texte, de la fiction à la poésie, reste donc pour Molet un état du langage.
Il fait ce que la vie ne “dit” pas car elle s’alimente sans arrêt du temps qui passe. Molet en sort non des métaphores ou des jeux de mots laids mais des vues qui ne sont pas de pur esprit. “Le fable s’efface sur les serviettes / Nouveaux étendards des fesses / Qui revendiquent de n’être plus blanches” et ce pari vaut largement plus qu’une de ces messes dont Henri IV eut le secret.
Le poète sait repérer des formules justes : “Les femmes disent ça roule à tout propos / Alors que les rocs coulent”. Et c’est bien ce qui donne à la féminité sa supériorité sur la condition phallique. Mais “au fond de la rade” comme à celui de l’abîme il n’existe pas plus de place à l’éternité qu’à la réussite.
Pour tout viatique l’incertitude restera au mieux la seule enchanteresse. Ce n’est pas beaucoup diront certains mais, à lire des passages de ces deux livres, nous nous disons que nous pourrions parfois nous contenter de moins. Que nous vivions (comme un de ses héros) ou non dans un sous-marin, il arrive que des matins dans la baie de Douarnenez ont des saveurs vitales.
Du moins pour qui sait encore nager.
jean-paul gavard-perret
Valéry Molet,
– Aucune ancre au fond de l’abîme, La P’tite Hélène Editions, 2019, 70 p. — 14, 00 €,
– Au fond de la rade, Editions Nouvelle Marge, Lyon, 2019, 96 p. — 13,00 €.