Yvonne Besson, Un coin tranquille pour mourir

Quatrième aven­ture de Carole Riou, de la police judiciaire.

Carole Riou est le capi­taine… par­don ! le com­man­dant créé par Yvonne Bes­son — héroïne récur­rente puisque voici le qua­trième volet de ses aven­tures après Meurtre à l’antique, La Nuit des autres et Doubles dames contre la mort. Son ter­rain, Mar­ville. Sa pro­mo­tion l’envoie à Rouen et lui fait quit­ter un uni­vers où, fina­le­ment, Carole se trou­vait bien mal­gré cer­tains de sa bri­gade, au com­por­te­ment plus que macho. Alors, elle a besoin de sou­tien. D’autant que ses qua­rante ans amènent toute une vague d’interrogations et de remises en cause. Mal­heu­reu­se­ment pour elle, son petit ami, Emma­nuel, libraire de son état et ayant pour amis des profs plus très res­pec­tables, sou­hai­te­rait qu’elle aban­donne sa voie de pré­di­lec­tion pour gérer sa librai­rie avec lui. Le moins que l’on puisse dire est qu’il manque cruel­le­ment d’empathie.

Carole se bute. Pen­dant ce temps, un per­son­nage du genre pas recom­man­dable se charge, lui, de buter des gens tout en fai­sant pas­ser ces décès pour des acci­dents. Ce qui est bien plus embê­tant, si on y réflé­chit un tant soit peu. Et il note tout ça dans un jour­nal qui le déses­père d’autant qu’il ne sera lu qu’à sa propre mort. Ça com­mence par une vieille iras­cible qui a le crâne fra­cassé pour avoir “voulu” enter­rer elle-même son chien, et puis il y a Robert. Robert qui sème le doute et la ziza­nie dans le micro­cosme d’Emmanuel. Parce que Robert était un sta­giaire obèse du col­lège de la bande à Emma­nuel. Celle qui fré­quente, qui mono­po­lise, l’Ascot — un bar-brasserie de Mar­ville — et qui raille les notables quand ils s’essaient à l’investir. Et que Robert est mort. “Sui­cidé” dans les toi­lettes de l’établissement.

Et là, Carole a beau dire que crime et lit­té­ra­ture ne font pas bon ménage, que la lit­té­ra­ture enjo­live ce que la vie montre de plus sor­dide, elle va, peu à peu, se per­sua­der qu’un réci­di­viste, un serial killer, comme disent les Ricains, sévit à Mar­ville, petite bour­gade nor­mande qui ne demande rien à per­sonne. Qu’un homme en fau­teuil rou­lant tombe d’une falaise et la psy­chose s’installe. Le coin n’est plus si tran­quille pour mou­rir. Un entre­pre­neur local a investi dans le bâti­ment. Une prof ne veut pas vendre sa mai­son. Des coups de fil ano­nymes viennent per­tur­ber les nuits pen­dant que les affres du passé remontent. Soli­tude et amour sont un mariage impos­sible. Com­ment aimer quelqu’un quand on a le double de son âge ? Com­ment aimer quelqu’un quand il est déjà marié ? Com­ment aimer quelqu’un de son propre sexe alors que ce quelqu’un couche avec son conjoint ? L’amour est dif­fi­cile. Les rela­tions aussi. Dans un milieu céré­bral, ça confine au désordre men­tal. Et Carole vient là, en tru­blion. Ce qui ne plaît pas à Emma­nuel et encore moins à ses amis. Pour­tant, il faut enquê­ter pour empê­cher de nou­veaux meurtres. Car le cou­pable se découvre. Il pré­vient de ses nou­velles cibles. Une course contre la montre com­mence. Carole décor­tique un texte aussi lit­té­raire qu’intriguant.

Avec Yvonne Bes­son et Un coin tran­quille pour mou­rir, ceux qui se sont atta­chés à Carole Riou, à ses ater­moie­ments et aussi, para­doxa­le­ment, à ses convic­tions, seront aux anges. Yvonne Bes­son (ab)use du pou­voir de l’auteur qui seul connaît la fin de son intrigue. Elle trans­forme Mar­ville et ses habi­tants en laby­rinthe pour mieux nous trom­per. Les fausses pistes se mul­ti­plient. On oublie, et Carole la pre­mière, ses pré­ceptes. Alors que rien ne sert autant que les fon­da­men­taux. Mais on s’insinue dans l’esprit d’une com­mu­nauté comme il y en a à foi­son, d’apparence calme et peut-être heu­reuse, et que se révèle un vrai gali­ma­tias, mélange de haine, de ran­coeurs et de frus­tra­tions. En cela, Un coin tran­quille pour mou­rir se dis­tingue du simple roman pro­cé­du­ral. C’est une véri­table étude socio­lo­gique. Nul doute qu’Yvonne Bes­son, pro­fes­seur de lettres à Dieppe, a pré­levé sa matière parmi ses col­lègues. Mal­heu­reux seront ceux qui s’y recon­naî­tront. Et ses amis pola­reux ? Cer­tains auront le plai­sir de se retrou­ver dis­sé­mi­nés par-ci par-là. Heu­reux êtres.

Biblio­gra­phie des aven­tures de Carole Riou :

Meurtre à l’antique, édi­tions de la Table ronde, 1998
La Nuit des autres, édi­tions de la Table ronde, 1999
Doubles dames contre la mort, édi­tions de la Table ronde, 2001

Yvonne Bes­son a eu la gen­tillesse de nous pré­sen­ter sa libraire pour Lire en Fête

julien védrenne

   
 

Yvonne Bes­son, Un coin tran­quille pour mou­rir, Édi­tions des Équa­teurs, décembre 2004, 350 p. — 20,00 €.

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Filed under Non classé, Pôle noir / Thriller

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