Une invitation presque irrépressible au Voyage
C’est en 2005 que paraissent Les Voyages d’Anna, le récit des péripéties d’une jolie rousse à travers le monde, en compagnie Jules Toulet. Ce dernier patronyme a été retenu en hommage à un peintre paysagiste du XXe siècle, Louis-Edouard Toulet. Puis Les Voyages d’Ulysse sont nés à partir de deux réflexions essentielles. Si la fille d’Emmanuel Lepage, Anna, avait un album portant son prénom, pourquoi Ulysse, son fils cadet, n’aurait pas, lui non plus, un album à son nom ? De plus, Ulysse évoque le voyage par le personnage mythologique qui a passé une bonne partie de sa vie à naviguer.
L’idée de voyage est indissociable de la mer. C’est donc naturellement que les trois auteurs, Sophie Michel pour les textes, Emmanuel Lepage et René Follet pour les esquisses, les aquarelles, les peintures composent une symphonie sur des récits de mer au temps de la marine à voile.
L’album des Voyages de Jules s’ouvre sur la lettre que Jules Toulet adresse à Anna et dans laquelle il explique, décrit, les raisons qui l’ont poussé à peindre, à partir sans cesse à la recherche de nouveaux horizons. Puis, il détaille les maîtres qui ont guidé sa vie. D’abord sa mère, puis la littérature et Ammôn Kasacz. Il donne la lettre où ce dernier lui ouvre les portes de son atelier de peintre. Il relate l’accueil que lui fait le maître, ses premiers pas dans l’atelier, son intégration, les séances de dessin… Il décrit la manière de travailler d’Ammôn, sa capacité d’observation, de jugement et leurs rencontres autour de la littérature dont tous deux sont fous, surtout la littérature d’aventures maritimes.
À travers le récit épistolaire que livre Jules, celui-ci expose ses principales et plus frappantes découvertes littéraires telles que Pêcheurs d’Islande, Moonfleet. Il faut se replacer dans l’époque où se déroule cette histoire. Aussi parle-t-il du nouveau livre d’Herman Melville, Moby Dick, des récits de voyages d’Arthur Pym, du choc que fût pour lui la rencontre avec L’Île au Trésor. Il raconte ses voyages physiques, mais aussi ses voyages intellectuels et romanesques jusqu’à une magnifique conclusion où les voyageurs se croisent pour un instant magique, un instant tragique, pour un instant immatériel.
Emmanuel Lepage et Sophie Michel font revivre Jules, ce personnage à la fois grand voyageur et peintre, qui traverse les trois albums. Il est inspiré des voyages d’Emmanuel Lepage, de quelques éléments biographiques, de son caractère. La calligraphie est réalisée par Aurélie Tièche. Elle participe, par sa qualité, par sa précision et sa beauté à l’attrait de cet album, se révélant aussi attractive que les peintures, illustrations et aquarelles.
Ces pages épistolaires sont agrémentées de croquis, tels ceux que peuvent faire des personnes qui conversent au téléphone ou qui sont dans une situation d’attente. La qualité d’impression, du papier, la finition de la reliure concourent à faire de cet album un véritable livre d’art.
Les Voyages de Jules, qui se présente sous la forme de carnets dessinés, à mi-chemin entre BD, illustration et carnet de voyage, propose de superbes images, des mers et des ciels époustouflants de couleurs, de réalisme, de poésie et de nostalgie.
Cette féérie maritime est nourrie par les illustrations de René Follet réalisées pour des romans d’aventures et par les aquarelles d’Emmanuel Lepage.
serge perraud
Sophie Michel (textes), Emmanuel Lepage & René Follet (dessins et peintures), Les Voyages de Jules, Éditions Daniel Maghen, mai 2019, 164 p. — 35,00 €.