Armand Cabasson, Chasse au loup

Deuxième aven­ture de Quen­tin Mar­gont, capi­taine dans la Grande Armée. Un tueur en série s’attaque à des orphelins.

C’est une saga un peu bizarre que celle pro­po­sée par Armand Cabas­son. En effet, si dans sa pre­mière aven­ture, Quen­tin Mar­gont, le capi­taine de la Grande Armée, se retrou­vait en 1812 lors de la cam­pagne de Rus­sie, dans sa seconde, il nous emmène en Autriche, en 1809, au len­de­main de la bataille d’Essling, dans une ambiance oppres­sante où le génie de Napo­léon est mis à mal par deux archi­ducs et des Autri­chiens tota­le­ment trans­fi­gu­rés par rap­port à 1805 et les glo­rieux sou­ve­nirs d’Austerlitz. Sans suivre d’ordre chro­no­lo­gique, donc.

Wagram approche à grands pas. Vienne est occu­pée. Les Autri­chiens n’accueillent pas en héros Napo­léon. Ils attendent sa défaite. Au milieu de ce drame, un autre drame. Aux sources vieilles de vingt ans. Lukas Rel­myer et son ami Franz avaient été enle­vés par un inconnu qui avait tué ce der­nier le vio­lant et le défi­gu­rant en lui agran­dis­sant sa bouche au cou­teau. Sou­rire macabre s’il en est. Rel­myer, orphe­lin de nais­sance, tout comme Franz et Luise, s’est alors retrouvé aux prises avec une aris­to­cra­tie et une bour­geoi­sie inertes et qui prô­naient l’immobilisme. L’enquête avait été bâclée. Dès lors, la vie de Rel­myer, déjà cham­bou­lée, se trans­forma. Le regard nar­quois de ce tueur en série — Franz n’étant qu’un mort parmi d’autres, tous issus d’orphelinats de la région vien­noise — le han­tant, il s’engage dans l’armée fran­çaise et devient un maître d’armes émé­rite que des duel­listes rêvent de battre. Lui ne vit que pour retrou­ver et punir celui qui est son plus vieux démon. Sa ren­contre avec le capi­taine Quen­tin Mar­gont va lui per­mettre d’avancer dans son enquête. À peine de retour sur les lieux de son enfance, un nou­veau meurtre est commis.

Margont, l’idéaliste répu­bli­cain et ses amis Pique­bois, Lefine et consorts vont alors devoir reve­nir aux sources d’une enquête dont les preuves sont par­se­mées aux quatre coins d’une capi­tale en plein désordre. Cette en(quête) per­met­tra peut-être aussi à Quen­tin Mar­gont d’éliminer ses démons à lui, de l’époque où sa famille avait décidé, contre son gré, qu’il serait moine et qu’il avait été sauvé par une révo­lu­tion qu’il avait alors sui­vie de toute son âme pour éva­cuer ses propres troubles. De plus, il est tombé sous le charme de Luise. Il a pro­mis de veiller sur son “frère” Rel­myer. La mort d’un des deux ver­rait son éloi­gne­ment. Elle ne pour­rait vivre près de l’un s’en pen­ser à l’autre.

L’homme recher­ché est d’une intel­li­gence redou­table et dia­bo­lique, comme dans Les Proies de l’officier. Cepen­dant, on a l’impression que cette enquête n’est qu’une excuse pour retra­cer, plus exac­te­ment, les quelques jours qui pré­cèdent la bataille de Wagram. Vienne fié­vreuse est l’occasion pour cette Grande Armée d’investir les cafés et d’en dégus­ter à toutes les sauces en côtoyant ce génie de Bee­tho­ven qui avait dédié sa Troi­sième Sym­pho­nie à Bona­parte avant de le renier quand de Bona­parte, ce der­nier était devenu Napo­léon et avait aban­donné les idéaux républicains.

Le roman épique prend fin avec les der­nières batailles napo­léo­niennes a-t-on l’habitude de dire. Après, le héros s’efface devant l’horreur des guerres modernes. Pour­tant, avec Armand Cabas­son, l’horreur est par­fai­te­ment retrans­crite. Ici, le sol­dat n’a pas la pos­si­bi­lité d’être un héros. En revanche, il est de la chair à canon. Wagram verra plus de 80.000 per­sonnes des deux camps mou­rir ou être bles­sées. À cette époque, il valait peut-être même mieux mou­rir ! La gan­grène, les ampu­ta­tions et les condi­tions de vie après la guerre étaient telles qu’elles ne valaient pas la peine d’être subies.

Nos per­son­nages s’embarquent dans une aven­ture qui paraît bien déri­soire eu égard à l’Histoire qu’ils tra­versent. Cette enquête est avant tout une échap­pa­toire pour évi­ter de trop pen­ser en se foca­li­sant sur autre chose, sur la guerre. Armand Cabas­son, qui est par ailleurs membre du Sou­ve­nir napo­léo­nien, nous embarque dans un roman his­to­rique embal­lant au pos­sible. Tous ceux qui aiment cette époque ado­re­ront cette série.

julien védrenne

   
 

Armand Cabas­son, Chasse au loup, 10–18 coll. “Grands détec­tives” (n° 3755), mars 2005, 283 p. — 7,30 €.

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Filed under Non classé, Pôle noir / Thriller

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