10–18 lance le polar à la sauce napoléonienne sous la haute férule d’Armand Cabasson.
Les Proies de l’officier inaugure, chez 10–18, dans la collection “Grands détectives” dirigée par Jean-Claude Zylberstein, une nouvelle série. Le héros, Quentin Margont, est un capitaine de la Grande Armée. Celle de Napoléon. Avec Armand Cabasson, par ailleurs membre du Souvenir napoléonien et de 813, l’Association des Amis de la Littérature Policière, le polar est historique. Ce premier volet se déroule en 1812 pendant la campagne de Russie. Campagne qui, d’un point de vue littéraire, a été fort réussie. Tolstoï et son ouvrage Guerre et Paix en a, par exemple, tiré la quintessence.
Nous sommes au début de la campagne. Napoléon a réuni une armée impressionnante de plus de 400.000 hommes. Un des corps de son armée, le 4e, est dirigé par le prince Eugène de Beauharnais. C’est aussi celui de Quentin Margont qui va se retrouver enquêteur malgré lui. Un crime sordide a eu lieu. Une femme a été retrouvée sauvagement assassinée dans sa chambre. Le meurtrier s’est enfui par les toits malgré les tirs de soldats. Par la suite, il a promptement saigné une sentinelle qui l’avait reconnu. D’après des témoins, cette sentinelle, en le voyant, s’était mise au garde à vous. L’homme que recherche Margont est donc un officier. Le prince Eugène ordonne à Margont d’enquêter avec la plus grande discrétion. Il lui impose également la réussite. Sans pour autant lui donner son appui. Heureusement, dans cette tâche, Margont ne sera pas tout seul. Des amis aussi fidèles que dévoués l’encadrent.
Alors que la Grande Armée s’élance à la conquête du seul empire faisant de l’ombre à Napoléon, Margont, l’humaniste, qui rêve de fonder un journal, diligente son enquête. Très vite, une certitude s’impose : le coupable est un colonel. Et un colonel, c’est intouchable. Or, ce colonel est diabolique et agile. Il récidive. Pire, Margont et ses amis découvrent qu’il a déjà sévi par le passé. Pendant ce temps, la campagne ne se passe pas comme prévu. Les Russes fuient en utilisant la méthode de la terre brûlée et les cosaques harcèlent sans cesse les troupes. L’idée d’arriver à Moscou ragaillardit un peu les soldats qui sont chaque jour de plus en plus démunis.
Armand Cabasson sait écrire et surtout sait faire partager sa passion pour cette époque haute en couleur qui a été l’apogée du roman épique en France. Napoléon, qu’on l’apprécie ou pas, fascine. Son génie n’est remis en cause que par Tolstoï qui lui oppose celui de Koutouzov. Ce même Koutouzov que l’on retrouve tout au long de ce roman et qui cherche — et réussira — à contrecarrer l’Empereur avec l’aide de son plus fidèle allié, l’hiver russe. 426 pages pour assister à la grandeur puis à la décadence d’une armée toute entière dévouée à un homme. On suit ces soldats, fringants, aux habits colorés qui, après mille succès, vont connaître la défaite, la faim, le froid et la déroute. Ils sont partis 400.000. Ils sont revenus 70.000. Un véritable carnage. Et au milieu de toute cette horreur, impersonnelle parce que c’est la guerre, une autre horreur, celle déclenchée par un colonel, véritable bête assoiffée de sang qui jouera avec les nerfs de notre héros qui, comme tout héros, devra aussi se battre avec fougue.
julien védrenne
Armand Cabasson, Les Proies de l’officier, 10–18 coll. “Grands détectives” vol. n° 3754, mars 2005, 426 p. — 8,50 €. |