Les débuts tonitruants d’un duo d’enquêteuses de choc qui parcourent Paris.
Chez Viviane Hamy, le polar se conjugue au féminin. À la croisée des “Chemins nocturnes”, deux bornes indéboulonnables ont pour nom Fred Vargas et Dominique Sylvain. Le monde de la première est noir. Celui de la seconde haut en couleur. Comme une estampe japonaise. Et ça tombe plutôt bien : le Japon, Dominique Sylvain, elle connaît. C’est un peu son second jardin.
Passage du désir est la rencontre atypique entre une petite grosse, commissaire à la retraite, Lola Jost, et une grande et athlétique Américaine, masseuse le jour, danseuse de charme la nuit, Ingrid Diesel. Leur point commun ? Elles vivent dans le Passage du Désir. Pire, elle vivent le Passage du Désir. Et dans leur univers, se côtoient trois jeunes filles paumées, un Apollon restaurateur, un psy accompagné de son chien Sigmund. Tout ce beau monde vit en parfaite harmonie et, plus ou moins, en parfaite ignorance de l’autre.
Tous sont liés par Maxime Duchamp, l’ancien photographe de guerre aujourd’hui en charge du restaurant Aux belles de jour comme de nuit, amant d’une des trois filles, l’énigmatique Khadidja. Mais c’est une autre de ces trois jeunes paumées qui va se retrouver malgré elle héroïne. Vanessa est belle à faire tomber tous les mecs qu’elle croise. Elle a de très beaux cheveux blonds et jusqu’à ce jour traîne un spleen et une froideur que personne ne comprend. Et pour son plus grand malheur, elle vient juste d’être assassinée. Étranglée, les pieds tranchés au hachoir. Un sac de billets dans sa chambre.
L’enquête resterait bien aux mains de la police. Mais il y a un petit hic. Jean-Paul Grousset. Celui-là même qui a pris la place de Lola. Si Vanessa a perdu ses pieds, JPG n’hésite pas à mettre les siens dans le plat. Il est aussi lourd que con. Son second, Jérôme Barthélemy, aimerait bien que “sa” patronne reprenne du service. Mais celle-ci ne veut rien savoir. Elle reste inflexible. Ses puzzles et Michel Ange l’absorbent. Seulement, elle va croiser la route d’une satanée pimbêche. Une de celles qui écornent la langue française. Une de celles à qui on a envie de botter le cul — même s’il est bien foutu, et Dieu sait qu’il l’est — bref, une de celles qu’on apprend à apprécier et dont on ne peut plus se passer.
Un duo se forme. Il faut alors acheter une brosse à dent, histoire d’hygiène. Parce que à partir de maintenant, c’est dans une voiture qu’on va vivre. Dormir, chasser, zoner, épier. De rencontres roumaines au Bois de Boulogne en séances psy chez le Dr Léger, nos deux héroïnes forment un contraste aussi étonnant que détonant. Elles vont fouiller le passé du Passage du Désir qui a pris un malin plaisir à héberger toute une quantité de malheur. Pendant ce temps, de mystérieux braqueurs s’occupent de succursales bancaires. Jean-Luc, le chef du gang, rêve de bateau et d’étendues de mer.
Dominique Sylvain nous embarque dans une belle course contre la montre. Dans Passage du Désir, il y a beaucoup de choses à sauver. Que ce soit le passé, le présent et surtout le futur ! Parce que si le fond est noir, il y a aussi l’espoir. Le monde de Dominique Sylvain, s’il n’est pas foncièrement beau, laisse place à de belles choses. Si Ingrid Diesel est une vraie pile électrique, c’est pour mieux nous motiver et nous donner des raisons d’espérer. Une petite touche exotique, haute en saveur, vient agrémenter ce récit. Dominique Sylvain a adopté la culture japonaise. Elle a vécu là-bas et y retourne fréquemment. Dans Passage du Désir, on n’y échappe pas. Le Japon, sans être omniprésent, est là. En filigrane.
Une présence subtile comme l’est ce roman qui vient de recevoir le Prix des Lectrices de Elle.
julien védrenne
Dominique Sylvain, Passage du Désir, Viviane Hamy coll. “Chemins nocturnes”, avril 2004, 282 p. — 16,00 €. |