Natalie White fut d’abord reconnue comme modèle dans de nombreux magazines de mode européens. Très vite, elle est passé derrière l’appareil photo tout en restant aussi devant pour ses autoportraits expérimentaux. L’aspect intime n’est pas l’essence de la quête : l’artiste y introduit des distorsions par effet de plans et divers traitements des tirages photographiques.
Elle crée une atmosphère étrange, mélancolique avec parfois des nuances de couleurs à peine perceptibles. Tout est affaire de variations dans la pose comme dans les tirages.
Les oeuvres d’ Introspection restent à ce titre énigmatique dans leur jeu d’ombres. La sensualité frissonne sous fond d’absence. C’est un carpe diem de la « nostalgia », une danse statique et funèbre. L’artiste reste l’élue qui échappe au plus fruste, au plus sexuel, au plus concret.
Mais la lumière est trop brève pour capter son visage. Celle-ci ne brise pas le temps d’une aussi longue absence. Elle a peur. Elle est remplie d’angoisse. Elle désire. Elle se tient comme une statue. Elle sait que l’amour comme la mort fascine leur proie de manière pétrifiante.
Plus tard, elle dira : pourquoi me suis-je photographiée ? Sans doute pour affronter ce mystère : le plaisir rend invisible ce qu’il veut voir. Mais il se peut bien que la jouissance arrache la vision de ce que le désir n’avait que commencé à dévoiler. Reconnue pour son féminisme militant, progressiste et provocante Natalie White se veut chef de file pour l’autonomisation des femmes et l’affirmation de soi par le biais de l’art. Elle travaille également comme militante pour les droits des femmes.
Mais ici, se concentrant uniquement sur son visage et ses mains et des tirages ténébreux un rien dramatique, l’artiste souligne les aberrations physiques et les abstractions formées par le processus d’impressions diaphanes et riches en leurs textures.
jean-paul gavard-perret
Natalie White, Introspection, Arts + Leisure, New-York, Lexington Ave. du 22 mai au 7 juillet 2019