Théo de cinq à sept. Et bien plus
Catherine Quilliet, nous avait appris il y a quatre ans que La fuite est un art lointain. Toujours armée d’intelligence et d’humour, l’imaginaire faisant le reste (même si le réel n’est pas oublié), elle nous propose un polar “inspiré par “Florville et Courval” nouvelle sinistre du légendaire Donatien-Alphonse” (de Sade).
La romancière souligne combien dans la nouvelle de son illustre prédécesseur ” l’accumulation d’implexes génère un effet comique certainement involontaire mais irrésistible “. L’auteure reprend — mais cette fois de manière volontaire — cette verve.
A l’affût d’aventures selon une inépuisable fantaisie, Catherine Quillet ne s’encombre pas de théorie littéraire et voue ici une passion particulière au suspens du sinistre puisqu’il fait plus frissonner de rire que de peur. Le tout à travers un personnage (oedipien ?) qui part à la recherche de sa mère au Tadjikistan.
Pour ajouter du mystère au mystère, le héros se fait embaucher dans une mission scientifique qui en ce pays étudie le phalanstère des “oméglis” là où les extra-terrestres “sont peut-être moins opaques que ceux qui les examinent”
Dès lors, tout est possible. Il y a parfois des traversées de rivières où, bien que les navigants soient armés de mitraillettes, tout n’est pas si éloigné de la Marne coquette. Certes, les plis des montagnes sont plus tordus que les molles collines de l’Ile-de-France. C’est sans doute pourquoi la fiction elle-même se contorsionne et se gondole pour d’éventuels morts loin de Venise.
Peu à peu, le héros tente de se faire une idée (et bien plus) de sa tornade et amazone de mère. L’énergie maternelle, le héros en a hérité et plus que lui sa narratrice. Avec elle, il n’existe pas de gêne. Au pire elle se transforme en plaisir de texte. Et les descriptions sont le prétexte à bien des dérisions qui touchent tous les secteurs de l’humaine condition.
Qu’importe si la quête semble avorter pour une raison évidente et dans “un démouillage d’ampleur saharienne” (ce qui provoque une belle dérive des continents). Le livre est un perpétuel voyage. Par réapparitions fugaces et des exercices d’incertitudes, tout avance.
En ce roman d’esprit, le corps n’est jamais oublié au milieu des excès de nouveaux Eve et Adam dans ce qui devient un roman psychiatrique plus fantasy que “polarisé”.
jean-paul gavard-perret
Catherine Quilliet, Sur la gauche avant la Chine, Editions Paul & Mike, Paris, 2019, 378 p. - 17,00 €.