Il est commun de trouver, dans nombre d’ouvrages, une rhétorique lyrique sur la liberté dont disposaient les femmes au siècle des Lumières. Ces affirmations ne sont, hélas !, basées que sur quelques cas isolés qui ne reflétaient en rien le quotidien du plus grand nombre. Si certaines dames tenaient salons et jouissaient d’indépendance, le gros de la population féminine restait cantonné aux tâches qui lui étaient dévolues avec des droits restreints, très restreints.
De plus, les avancées dont parlent ces historiens peu consciencieux, se déroulent à Paris ou sa proche couronne. C’est l’arbre qui cache la forêt car le reste du territoire est quasiment ignoré. Christine Le Bozec borne son étude de 1770 à 1830, d’une année au cœur du siècle des Lumières jusqu’à l’extinction, la disparition, pour une très longue durée, des quelques droits durement acquis pendant la Révolution.
Divisé en trois grandes parties, le travail historique de Christine Le Bozec débute par une peinture du statut des femmes avant la Révolution, puis c’est le récit des
femmes en Révolution avant la chape de plomb et l’exclusion des femmes de la vie publique. Elle raconte, car c’est ce qui émerge de la grande Histoire, les salons tenus par quelques égéries. Ce sont les incontournables figures qui incarnaient une certaine vie culturelle et intellectuelle.
Puis, elle rappelle la réalité. Le droit des femmes à cette époque, c’est la soumission. La société était essentiellement rurale. Les femmes travaillaient aux champs, se consacraient aux soins des bêtes, du potager, élevaient une marmaille pléthorique et tentaient d’échapper à la misère.
Lorsque se déroulent les événements qui vont installer la Révolution, elles sont omniprésentes. Elles sont actrices de la journée du 7 juin 1788 à Grenoble qui prendra le nom de La Journée des tuiles, le 14 juillet 1789. Elles mènent des actions décisives quand elles ramènent le roi à Paris en octobre 1789. Elles participent aux clubs qui émergent.
La pétition signée par les 319 va les installer dans le paysage politique et législatif et permettre de faire voter un certain nombre de droits par l’Assemblée sans, toutefois, obtenir le droit de vote. Mais ces femmes font peur aux “courageux” députés de la Convention qui, le 30 octobre 1793, interdisent les clubs et les sociétés de femmes.
Puis Christine Le Bozec énumère les différentes étapes de la régression au début du XIXe siècle avec le code Napoléon, la fin du divorce en 1816… Avec cette étude passionnante, Christine Le Bozec retranscrit dans un livre érudit, aux arguments limpides et fort étayés, un bref moment de l’Histoire où les femmes ont pu croire à leur liberté.
Partant de très loin en 1770, elles ont vu leur statut évoluer de belle manière entre 1789 et 1795, puis revenir à un niveau zéro pour plus d’un siècle et demi.
serge perraud
Christine Le Bozec, Les femmes et la Révolution : 1770–1830, Passés/Composés, avril 2019, 224 p. – 19,00 €.