Virginia Woolf et Vita Sackville West forment l’un des plus célèbres couples lesbiens de la littérature : en 1922, dès qu’elles se rencontrent, les deux femmes se sentent immédiatement attirées l’une par l’autre. Leur histoire d’amour inspirera le roman “Orlando” à Virginia Woolf et sera nourrie par la correspondance des deux auteures.
Les éditions Derrière la Salle de bains publient la lettre la plus intense de Vita Ackville-West à son amante : « Je t’ai composé une belle lettre dans les heures cauchemardesques d’une nuit d’insomnie, et tout s’est évanoui : voilà, tu me manques, de façon assez simple, désespérée, humaine. Toi, avec toutes tes lettres non-idiotes, tu n’écrirais jamais une phrase aussi élémentaire que celle-ci ; peut-être ne l’éprouverais-tu même pas”.
Vita Sackville-West, à l’image de son couple, était une habituée de l’amour atypique, voire transgressif dans la société de l’époque, mais Virginia Woolf, mariée elle aussi, l’était moins. Dans son journal, Woolf reconnaît dans Sackville-West « une vraie femme » qu’elle-même n’a « jamais été »., C’est une sensation qu’elle ressent comme un danger — d’où les “reproches” que lui adresse ici l’amante.
Woolf est portant subjuguée par Vita Ackville-West, “sa maturité et sa lourde poitrine : elle navigue toutes voiles dehors en haute mer, tandis que je flotte et dérive dans les marécages », écrit Woolf dans son journal. Ses liens resteront toujours teintés de mépris envers elle-même lorsqu’elle se compare à son amante. Mais la lettre non dénuée de récriminations (discrètes) imprime une autorité à l’amour qui bat son plein entre les deux femmes. L’amante s’adresse à sa correspondance avec force et précision. Elle lui semble parfois impénétrable dans son spleen.
L’intime est là avec chaleur, tel un souffle. Chaque mot se refuse aux détours. L’eau des larmes versées plutôt que de faire une flaque se transforme en encre indélébile qui file droit au but. La lettre expose lectrices et lecteurs à l’énigme de l’espace et du temps. La sensualité prend des tournures particulières, détruit un certain mythe amoureux pour prouver que ni la certitude, ni le fantasme ne le déterminent.
Elle donne aussi à l’épistolière enamourée l’aspect d’une insomniaque rêveuse là où la parole a besoin d’être écrite pour exister.
jean-paul gavard-perret
Vita Sackville-West, Lettre à Virginia Woolf, bilingue, Traduction de Laure Nguyen-Huynh, Editions Derrière la salle de bains, Mason Dagoit, Rouen, 2019 — 5,00 €.
Superbe !
L’amour est là…
Parfois merveilleux,
parfois douloureux et tragique…
Qu’importe le sexe si l’autre te correspond et te fait exister !