La poétesse Danoise Pia Tafdrup, née au début des années 50, s’ est éloignée de la génération « crack prose » des années 70 de son pays. Elle devient la chef de file de la « génération sauvage » avant de théoriser sa poétique inspirée par Celan, Ekelöf, Tsvetaïeva ou Mandelstam. Elle est devenue une institution dans son pays et ses livres sont largement traduits dans le monde. Le Soleil de la Salamandre est son deuxième recueil traduit aux éditions Unes, après Les Chevaux de Tarkovski.
Celui-là est composé de 60 poèmes. Chacun représente une année de sa vie en une remontée par une “photographie” poétique. Et ce, depuis les premières sensations , les mots primitifs de l’enfance, les odeurs de la ferme familiale.
Tout est construit en ellipses et chacun peut se retrouver tant ce qui est écrit est universel — même si cela passe par une expérience des plus intimes. Le lecteur peut grandir avec la poétesse, épouser son parcours en passant d’un tableau à l’autre. Pia Tafdrup évoque l’adolescence, la conscience du corps qui s’éveille, les doutes, les peurs, les espoirs.
Tout est dit avec tendresse. Le mouvement des impulsions, des battements des émotions traverse le temps. Il ne ralentit pas, mais à force, il se regarde selon un exercice de lenteur sinon de sagesse à travers les événements intimes et collectifs ( la chute du mur de Berlin, le 11 septembre, etc.)…
Ce retour amont reste paradoxalement une projection. Car il n’existe là aucune nostalgie. Une force avance. Pas à pas, à travers des sensations où il ne s’agit pas de faire à tout prix le tri entre joie et douleur. Un tel livre remplit la vie, telle qu’elle se crée, telle qu’elle se rêve aussi dans une appréhension d’un devenir.
La vieillesse à venir prend sa juste part dans le secret et avec juste ce qu’il faut de nécessaire pudeur.
jean-paul gavard-perret
Pia Tafdrup, Le soleil de la Salamandre, traduit du danois par Janine Poulsen, Editions Unes, Nice, 2019, 112 p. - 19,00 €.