En transfuge de la“matière” de l’art et du réel vers la poésie, Daniel Kay propose un glissement loin des mots poussiéreux. L’auteur vogue sur l’écume des mouvements de gouffre picturaux, telluriques ou marins. Il ose soudainement et volontairement les vocables salis et salés au besoin.
Peintre lui-même, il se laisse aller au plaisir et à la profondeur d’un verbe qui ne répond pas à la simple curiosité du visible mais au désir de voir dans ses interstices.
Les diverses magmas jadis liquides de la peinture ou toujours dans le même état aqueux de la mer et de ses marins ou de ceux qui restent au port se transforment jusqu’à devenir l’évidence lumineuse de tout ce qui nous échappe. Les apparences trompeuses et les pare-fumets sont en charpie. Exit la matière des rêves pour des matières plus tangibles.
Le poète nous fait passer de l’illusion subie à l’illusion exhibée. De l’extrême compacité de la peinture comme de la réalité naît ce qui éclaire, délie, vide et remplit.
Il existe donc une condition “littorale” de l’oeuvre en tant que lieu des bords et surtout des débordements.
Le travail de l’auteur ouvre au vrai temps de la fable où tout s’inscrit en écho à ce qu’il regarde, contemple et perce.
jean-paul gavard-perret
Daniel Kay, Vies silencieuses, Gallimard, coll. Blanche, Paris, 2019, 128 p. — 14,50 €.