Un joyau en matière de thriller
La romancière entraîne ses héros dans une traque particulièrement dangereuse face à un ennemi déterminé dont, cependant, les motivations restent floues pour les protagonistes. Sauf pour Edwige qui, à l’énoncé du pseudonyme utilisé dans une XDoll, se rappelle un passé qu’elle avait presque oublié bien qu’ayant longtemps vécue dans la crainte de le retrouver sur sa route.
S’intéressant aux méandres de l’esprit humain, aux émotions ressenties, aux sentiments et aux rapports entre les êtres, la romancière propose une intrigue particulièrement fournie en rebondissements psychiques, en péripéties physiques. Elle va loin dans la brutalité subie par ses personnages, brutalité tant psychologique que corporelle. Danièle Thiéry met tout le monde, ou presque, dans des situations très difficiles, à la limite du supportable.
Martin Brand a ouvert un XDoll à Paris. Ses clients réclament l’anonymat. Mais celui qui s’est présenté comme Docteur X a dépassé les bornes saccageant la chambre et son occupante. Martin ne pense qu’à faire disparaître le corps quand il aperçoit un petit cylindre de papier entre les lèvres. C’est un numéro de téléphone.
Edwige Marion tente de traiter le maximum de dossiers avant le week-end pour être disponible. Nina, sa fille adoptive, arrive à Paris pour un séjour. Elle reçoit un appel téléphonique d’un homme qui raccroche immédiatement quand il comprend qu’il est en ligne avec la police. Valentine Cara entre en trombe et annonce à sa directrice qu’il y en a un nouveau. Marion se sent cernée quand elle apprend qui a reçu le message annonçant un troisième meurtre de femmes. Ce sont des texto laconiques qui indiquent les lieux et qualifient les victimes.
Alix de Clavery, qui donne une conférence à l’Institut de criminologie, est avertie. Elle est accompagnée du commissaire Philémon de Saint-Léger, nommé en remplacement de Zénard, l’adjoint de Marion disparu dans l’enquête précédente (Féroce – Flammarion 2018). Comme les fois précédentes, elles trouvent un cadavre mutilé, des parties du corps remplacées pour aller vers des formes parfaites. Marion est directement visée par ce tueur qu’elle va devoir traquer. Et Alix disparaît…
Si Alix partage la vedette avec Edwige, la romancière dévoile peu à peu son passé, ce passé qui semble si pesant et qui serait la cause de son comportement actuel, de son fatalisme détaché, de son affect sous-développé qui la préservent et l’empêchent de sombrer aux pires moments.
Dans ce livre, avec l’enquête qu’elle mène contre un criminel psychopathe pour assurer sa survie et celle de ses proches, l’auteure aborde de nouvelles formes de “prostitutions”. Celles-ci prennent des voies diverses mais l’utilisation des poupées gonflables à bien évoluée avec les progrès en matière de silicone et autres substances de ce genre.
Elle utilise des décors ordinaires, des endroits que chacun peut voir journellement mais qui, sous son clavier, acquièrent une aura maléfique, deviennent des lieux inquiétants, menaçants. Danièle Thiéry renouvelle également ses personnages, fait évoluer ses anciens protagonistes en âge, en motivations, en perspectives.
Au détour des actions, elle livre quelques sentences qui servent son intrigue. Ainsi, sur le personnel soignant de l’hôpital : “Elle admira tous ces gens en blouse verte ou blanche qui tenaient entre leurs mains les fils délicats de quelques vies en suspens.” Sur une certaine presse qui a fait fuiter une donnée capitale : “Rien ne pouvait arrêter les vautours de la presse putassière, au prétexte qu’elle devait l’information, immédiatement, à une opinion publique assoiffée de scoops et de sang.”
Mais l’auteure pointe aussi la facilité avec laquelle des personnes se défaussent de leurs responsabilités pour les reporter sur autrui, sur des structures informelles comme la société ou sur des influences divines ou démoniaques.
Avec Sex doll Danièle Thiéry offre un roman qui, une fois de plus, consacre son talent et fait d’elle une des meilleures auteures de thrillers.
serge perraud
Danièle Thiéry, Sex doll, Flammarion-Versilio, mai 2019, 416 p. – 20,00 €.