Colazione sull’erba est un projet mené à bien par le grand photographe italien de 1972 à 1974. Publié pour la première fois lors de l’exposition réalisée à Modena à la Galleria d’Arte Moderna, dans ce livre repris, augmenté et superbement édité, l’artiste y traite d’un thème récurrent dans l’histoire de l’art lorsqu’il navigue entre la nature et les espaces urbains. Plus particulièrement dans les jardins et les maisons des périphéries de villes.
Le photographe saisit la réinterprétation de la nature en de tels lieux. La description documentaire permet néanmoins de donner par la qualité des prises une dimension poétique à ce qui semble anonyme et caractérise le quotidien.
Le Kodachrome utilisé pour les prises crée un lien entre la nature et les maisons en donnant aux prises une couleur qui ne révèle pas forcément la verdure des lieux arborés mais permet, par sa “dilution” technique, d’offrir un temps d’analyse et de réflexion. Existe tout un jeu entre la rigueur géométrique des espaces et une perte volontaire de la sensualité de la nature (par des adaptations artisanales des jardins à la française) dans un souci décoratif.
L’arbre et les végétaux sont niés dans leur essence au moment où ils sont l’objets de plus de soins et d’attention.
Néanmoins, Ghirri ne juge pas. Il reste à la bonne distance. Au spectateur de se faire son idée face à de tels jardins. La poétique du photographe répond à celle des lieux visités de manière attentive et ironique dans la symétries des cyprès et les artifices auxquels chaque essence est livrée dans un ensemble revu et corrigé par l’artiste et dont l’objectif est non de critiquer les agencements mais de les comprendre.
Voire de les apprécier non sans une touche d’ironie sous-jacente.
jean-paul gavard-perret
Luigi Ghirri, Colazione sull’Erba, Mack, Londres, 2019, 176 p. - 40,00 €.