Une moisson de nouvelles particulièrement insolentes
C’est tous les jours pareil est le titre de la chronique que Jean-Pierre Andrevon a tenu dans Charlie Hebdo. Georges Wolinski, avec qui il travaillait pour le mensuel Charlie depuis quelques années, lui avait demandé de courtes nouvelles sur des sujets qui lui convenaient. Elles ont été écrites au cours de l’année 1975. La première Le pet, qui devait d’ailleurs donner le nom à la rubrique est parue le 3 juillet 1975 dans le numéro 242 du journal.
Jean-Pierre Andrevon a, ainsi, proposé 28 nouvelles. Mais seules 12 ont été publiées. Les autres sont restées dans des tiroirs parce que la place manquait ou parce qu’elles ne plaisaient pas au Professeur Choron, aux manettes de l’hebdomadaire à l’époque.
C’est en 1977 que le nouvelliste a l’opportunité d’en faire éditer 27 au Dernier Terrain vague.
La présente édition, peaufinée par Philippe Gontier pour La Clef d’Argent, comprend 37 textes, presque tous ceux proposés en 1975 et d’autres écrits à la fin des années 80 pour différents recueils. Les premiers ont fait l’objet d’une réécriture approfondie où nombre de détails ont été modifiés, actualisés, adaptés à l’époque actuelle. Foin des francs, des cabines téléphoniques et autres objets anachroniques en 2018, ainsi que des personnages politiques oubliés aujourd’hui. Elles sont classées en huit rubriques depuis celles relatives au Boulot jusqu’à celles qui traitent de La vie et rien d’autre en passant par La Politique, Le Q, Les Arts…
Certaines sont succulentes par le ton de tendre ironie, d’autres sont plus acides mais toutes restent politiquement incorrectes. Elles traitent de sujets qui, d’actualité dans les années 70, demeurent toujours aussi prégnants comme si rien n’avait évolué, de thèmes qui restent sujet à opposition, voire à révolte face à l’incurie, au déphasage entre une classe politique toujours plus avide d’avantages et un peuple qui ne peut que constater des inégalités de plus en plus grandes.
Le pet, la nouvelle qui ouvre le recueil, signifiant aussi le guet dans les années 70, montre que l’habit ne fait pas le moine et que la sanction de l’erreur est à géométrie variable selon le bord où l’on se trouve. L’armée est passée au feu roulant des remarques cocasses comme cette refonte totale du service militaire présentée dans Pas de malaise à un certain Laurent Delahousse.
Les violences faites aux femmes et la lente prise en compte du viol se retrouvent dans quelques textes acerbes. Mais le morceau de choix reste le Bilan présidentiel avec l’énumération de toutes les actions du président en faveur des Français, avec un culte de la personnalité, comme ce qu’il retrace pour soutenir les vignerons : “J’ai bu cent soixante-trois bouteilles de vin intégralement français… Et je n’ai dégueulé que sept fois sur le tapis de ma chambre…”
La couverture reprend un dessin de l’auteur. Ces textes sont à dévorer sans modération.
Jean-Pierre Andrevon excelle à pointer du doigt, à dénoncer avec un humour corrosif nombre de problèmes sociaux.
serge perraud
Jean-Pierre Andrevon, C’est tous les jours pareil, La Clef d’Argent, coll. “KholekTh”, novembre 2018, 276 p. – 13,00 €.