Attention aux charmants manoirs !
Avec le thème assez classique de la maison hantée, de la demeure investie par des entités exécrables ou des victimes anciennes de sévices innommables, Peter James compose un récit très moderne, en symbiose avec le temps présent. Il place, en fait, à notre époque, des situations qui se situent plutôt dans un monde victorien. Il fait de son personnage principal un concepteur qui monte sa propre agence de webdesign et les membres de sa famille usent des moyens modernes de communication.
Mais les “fantômes” ont été formés à l’usage de l’informatique et à la pratique d’Internet. Ils envoient, avec virtuosité, courriels et texto sans problèmes.
Johnny O’Hare, producteur de rock à succès, arrive avec sa famille dans leur nouvelle demeure. Son épouse aperçoit une femme qui les observe depuis les combles. Lorsque les déménageurs les rejoignent, ils découvrent un monceau de gravats sur la voiture et les occupants tués.
Quelques trois décennies plus tard, Ollie Harcourt, Caro son épouse et Jade sa fille de douze ans, viennent s’y installer. Ils ont l’habitude d’acheter des vieilles demeures et de les revendre après les avoir restaurées. Caro, qui l’avait visité sous le soleil, ressent un profond malaise en le voyant en ce début de septembre pluvieux. Tout semble décrépi et dégage une atmosphère mélancolique. Jade est bien peinée par ce nouvel emménagement qui l’éloigne de son collège et de ses copains. Quand elle téléphone à une amie cette dernière, au bout de quelques minutes, lui demande qui est la vieille dame à l’air revêche qui est derrière elle. Se retournant, elle ne voit rien mais explique que sa grand-mère, sans doute, est venue lui dire au revoir mais que la voyant téléphoner, elle n’a pas voulu la déranger.
Ollie est très troublé quand Jade lui raconte l’anecdote car sa grand-mère n’est pas allée la saluer avant de partir. Et puis les événements étranges se multiplient. Ils perçoivent des ombres. Un matin Caro et Ollie se réveillent avec le lit qui a tourné de 180 degrés. Des robinets se mettent à fuir, de l’humidité suinte sur les murs, des papiers peints se décollent sans raison et, surtout, retrouvent leur place après quelques minutes.
La réalité dérape, mais Ollie ne veut pas quitter cette demeure qui représente l’aboutissement de ses rêves. Toute la famille se met en quête de causes rationnelles explicitant ces phénomènes, explore le passé de la maison, un passé lourd en tragédies…
Le romancier instille une ambiance qui devient de plus en plus lourde, multipliant les fausses pistes, les incidents, repoussant sans cesse une frontière floue entre les vivants et les morts, entre la réalité et le surnaturel. Il intègre un autre classique de la littérature et du cinéma fantastique, des éléments troubles qui sont orchestrés, par exemple, dans Les Autres, ce film porté par une Nicole Kidman magnifique, ou Sixième sens avec un grand Bruce Willis. Il met en place un recours au monde religieux et au révérend chargé des affaires difficiles.
Autour du trio de héros, Peter James anime une galerie de personnages telle qu’on la conçoit dans l’Angleterre rurale avec ses catégories d’habitants incontournables. Il ajoute quelques intervenants très actuels comme des entrepreneurs qui signent de gros contrats pour des sites Internet et qui se trouvent en difficultés par l’animosité des forces occultes qui souhaitent chasser des intrus. Si Ray Grace, son héroïne fétiche, n’apparaît pas dans ce roman, le romancier né à Brighton reste quelque peu fidèle à son cadre de prédilection, plaçant la maison de Cold Hill dans la campagne, au nord de Brighton.
Peter James, dont l’art narratif n’est plus à démontrer, signe avec ce livre une œuvre captivante, un récit passionnant.
serge perraud
Peter James, La maison des oubliés (The House on Cold Hill), traduit de l’anglais (Grande-Bretagne) par Raphaëlle Dedourge, Fleuve noir, coll. “Thriller”, mars 2019, 352 p. – 19,90 €.