Par une suite de fragments, Claire Dumay remonte sa vie — enfin presque, puisque l’écriture n’a pas l’effet décapant et propret du vinaigre de cuisine : “Je suis toujours au bout de la jetée, en suspens, séparée”. Le temps dit-elle “s’est arrêté”. Mais son bourdonnement curieusement sourd et aigu persiste.
Avant, le livre serpente, assemble (ce qui peut l’être). Il y a des éclairs, tout ne s’est pas dérobé. Existent des sortes de parenthèses par intermittences. Voire plus. Perdurent même des surprises en dépit de leçons reçues, apprises par transmissions.
Certes, la nuit vient mais l’auteure s’empare de lointains enfouis pour leur donner présence par-delà la neige des saisons. L’auteure en cristallise le sel et le sucre avant qu’ils sombrent dans l’oubli en s’étiolant.
Restent les élans où des continents oubliés renaissent en outrepassant l’obstruction de certaines frontières et qu’importe si le pied glisse dans la glaise du temps. Tout ne refluera pas vers l’obscur car les écrits restent.
Une recollection se crée et cela provoque une certaine mutation du terrain de l’existence.
jean-paul gavard-perret
Claire Dumay, Au bout de la jetée ou les arcanes du corps, Atelier de l’Agneau, coll. Proses, 2019, 120 p. — 17,00 €.