Les filles aux mains jaunes (Michel Bellier / Jean-Marc Pautasso)

Les ver­tus de l’action tis­sée collectivement

Sur la scène ouverte, des struc­tures recou­vertes de draps consti­tuent des formes un peu mys­té­rieuses. Elles trônent dans un lieu exigu, dans une ambiance déjà étouf­fante. Au son du toc­sin, c’est la mobi­li­sa­tion, le début de la pre­mière guerre mon­diale. Des femmes se ren­contrent en ce lieu, dans un ici et main­te­nant où les évé­ne­ments se vivent et se déploie­ront à hau­teur d’individu. Des épouses et mère de mobi­li­sés, une jeune femme sont embau­chées à l’usine d’armement ; c’est là que s’installent les échanges, au train sou­tenu de la fabri­ca­tion des obus.
Elles font connais­sance et pré­sentent leurs dif­fé­rentes réac­tions de façon brute et spon­ta­née. Leurs pro­pos, sou­vent criés pour cou­vrir le bruit régnant dans l’atelier, disent les reten­tis­se­ments d’une urgence dif­fi­ci­le­ment maî­tri­sée, le sen­ti­ment d’impuissance face à une machine qui broie les couples, les corps, qui, sous ses coups, finit par assé­ner sa logique à l’esprit ren­dant les armes. L’espace de leurs échanges consti­tue en se déve­lop­pant un des seuls où elles puissent respirer.

Des femmes s’entretiennent de la péni­bi­lité de leur tra­vail, de leur sort, de tout ce qu’il y a à assu­mer, de leur mari, de la guerre, avec une visi­bi­lité poli­tique réduite ini­tia­le­ment pour les unes, en ébul­li­tion pour l’autre. Des apar­tés replacent cha­cune dans sa situa­tion, l’atelier dans l’ensemble de la pro­duc­tion, la fabri­ca­tion des armes dans la guerre. Un espace à l’avant-scène figure la cour où se prennent les pauses, occa­sion de par­tages et de réflexions éphé­mères qui feront leur che­min et fini­ront par por­ter leurs fruits.
L’innocence et la réflexion risquent à tout moment de dis­pa­raître peu à peu sous le bruit, l’odeur des machines. Les pre­miers deuils, les débuts timides du fémi­nisme, de la dénon­cia­tion des condi­tions inhu­maines de tra­vail, toutes ces dimen­sions de la détresse du siècle sont abor­dées par une écri­ture déliée, alerte et efficace.

Le pro­pos du spec­tacle, qui met en lumière le tis­sage et les ver­tus de l’action col­lec­tive et ses effets dans la res­tau­ra­tion d’un pou­voir d’agir, prend peu à peu des allures de mani­feste. Il est habi­le­ment porté par des actrices vives, sub­tiles, habi­tées.
Un beau tra­vail d’équipe, puis­sant, émouvant.

chris­tophe gio­lito & manon pouliot

 

Les filles aux mains jaunes

de Michel Bellier

Mise en scène Jean-Marc Pautasso

Avec Danièle Duha­mel, Manon Leguay, Cha­nael Mei­moun, Vasudha Varghese.

Scé­no­gra­phie Nico­las Madec ; créa­tion lumière Gwen­naël Hertling

A l’Auguste Théâtre 6, impasse Lamier 75011 Paris 01 43 67 20 47 durée 1h35

http://www.augustetheatre.fr

augustetheatre@gmail.com

https://www.billetreduc.com/235880/evt.htm

Le dimanche 12 mai à 21h.

Cette pièce écrite en 2014 par Michel Bel­lier (Lans­man Edi­teur) a été jouée du 20 au 24 juin 2018 au Lavoir Moderne Pari­sien et 6 fois entre le 20 mars et le 07 avril 2019 à l’Auguste théâtre.

compagniedelenjeu@gmail.com

 

 

 

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