L’univers de Dernier Atlas est le nôtre, légèrement décalé, portant entre autres sur les rapports entre la France et l’Algérie, sur les conséquences de la volonté d’autonomie énergétique voulue par le général De Gaulle.
Dans le parc de Tassili, en Algérie en 2018, deux hommes observent les oiseaux migrateurs qui, plutôt que de continuer leur vol, restent sur place.
Arcades Folies masque une activité mafieuse de jeux. Ismaël Tayeb, le lieutenant du caïd accompagne une équipe qui rackette. Dans un bar, Ismaël remarque une pièce d’origine d’un Atlas. Le patron lui montre son album avec les vignettes des équipages. Alors qu’il sort d’un restaurant avec l’équipe, il est appelé à l’aide. On a besoin de lui car Legoff, dit Dieu le Père, est de retour à Nantes et fait du barouf dans une boite de nuit. C’est un caïd, parti en Algérie, que la police rêve de coffrer. Ismaël, pour l’exfiltrer doit lui casser un doigt. Legoff, reparti à Oran, convoque Ismaël et son patron. C’est sur ce dernier qu’il se venge. Quant à Ismaël, il estime qu’il peut avoir une meilleure place et le met à l’épreuve. Il veut que celui-ci lui procure le plus possible de matériaux radioactifs.
Les oiseaux s’agglutinent sur le site de Batna, un endroit où, pendant la guerre d’Algérie a eu lieu un événement qui a entraîné la fin des Atlas. Tous ont été détruits sauf un. Françoise Halfort, qui a écrit un livre sur les Atlas, poursuit, en tant que journaliste, ses investigations sur les conséquences de la catastrophe de Batna.
Ismaël qui, depuis l’enfance est fasciné par les Atlas, ces énormes robots mus à l’énergie nucléaire, se souvient qu’il en reste un. Il a été envoyé en Inde pour être démonté, mais de problèmes juridiques ont tout bloqué. Mais, le retrouver ne va pas être une partie de plaisir. Ismaël va être aspiré dans une spirale qui, à défaut de changer sa vie, va la mettre en grand danger…
Le concept du Dernier Atlas se fonde sur : “Un robot géant amené à affronter une menace gigantesque.” C’est sur cette idée que s’est construite l’intrigue avec un point de vue européen dans la seconde moitié du XXe siècle. Alors, quoi de mieux que l’uchronie pour raconter un tel récit ?
Ce sous-genre de la science-fiction offre des possibilités infinies dès lors que la nouvelle histoire s’appuie sur des bases solides et plausibles. Les liens entre la France et l’Algérie, les sites d’expérimentation du Sahara où les atomistes français peaufinaient leur bombe, offre un cadre idéal. Le choix du héros, Ismaël, est un personnage qui a des liens forts avec les deux pays. S’il est né en France, ses racines sont algériennes. Sa jeunesse a été bercée par ces robots qui portaient des noms d’écrivains. Il a rêvé de piloter, un jour, une de ces machines. Les auteurs s’amusent à présenter les équipages de ces robots en vignettes, réunies en albums comme peuvent l’être des joueurs de foot. Mais ces Atlas ne sont-ils pas une réminiscence d’un robot célèbre, héros de dessin animé qui a pu bercer l’enfance de ces quadras/quinquagénaires depuis le 3 juillet 1978 ?
Comme les auteurs sont, pour la plupart originaires de ou habitent à Nantes et sa région, c’est ce cadre qu’ils ont retenu. Cela change un peu de la région parisienne ! Cette histoire qui met en jeu l’avenir de l’Humanité se présente sur plus de six cents pages en trois albums. Dans ce récit-fleuve, les auteurs abordent nombre de sujets en jouant avec la réalité, tels que des questions politiques, la mondialisation, l’’écologie, les flux migratoires, la gestion des énergies…
Le graphisme est assuré par Hervé Tanquerelle sur des designs de Fred Blanchard avec la mise en couleur de Laurence Croix. Avec un dessin aux traits forts, appuyés, favorisant les personnages plutôt que les décors, les machines plutôt que les monuments, les concepteurs donnent un graphisme puissant, parlant, d’une grande force évocatrice. Ils ne proposent pas des personnages conformes aux canons actuels de la dite beauté. Dieu Le Père est gros, Ismaël à des traits durs et les dames des formes épanouies. Mais ce graphisme est attractif, voire addictif avec sa capacité à retenir le regard, l’attention, à pousser la lecture vers les émotions exprimées par les protagonistes.
Un premier tome d’une belle richesse d’intrigue aux sujets contemporains, bellement mise en images par une équipe au solide talent.
serge perraud
Fabien Vehlmann & Gwen De Bonneval (scénario), Hervé Tanquerelle (dessin), Fred Blanchard (designs), Laurence Croix (couleur), Le Dernier Atlas tome 1/3, Dupuis, mars 2019, 232 p. – 24, 95 €.