Lento e largo. Tranquilissimo
La chanteuse de Portishead n’a jamais été le modèle de l’icône pop avide de strass et de vie de star. Après trois albums avec son groupe et “Out of Season” avec Paul Webb de Talk Talk, elle avait disparu des radars. Mais en 2014, le Grand Théâtre de l’Opéra national de Varsovie l’accueillit pour un concert.
Beth Gibbons s’est emparée en une soirée de la Troisième Symphonie (surnommée “Symphonie des chants plaintifs”) d’Henryk Górecki. Accompagnée par l’Orchestre symphonique national de la radio polonaise (dirigée par Krzysztof Penderecki), elle offre une nouvelle fois sa présence vocale et son charisme.
Elle trouve là le moyen de s’enivrer et d’envoûter l’auditeur en ranimant les mouvements de cette symphonie qu’elle pénètre à sa façon. Elle prouve tout ce qu’elle est capable de donner en s’abandonnant à ce que peut-être nous ne la croyions pas susceptible de donner dans, par exemple, la partie “lento e largo. Tranquilissimo”.
Sa voix possède le pouvoir de s’élever pour faire partager un univers de passions et d’ affections qui la fait entrer dans un autre registre de langage et de narration musicale où elle explore ses limites. Sa voix et tout son corps semblent s’offrir dans une musique qu’elle transforme en un corpus génétique et génésique où se perçoivent les dimensions de l’espace, de l’écart par la présence d’une voix pénétrante qui exprime la démesure de l’attente et de la perte.
Chaque fibre de Beth Gibbons semble relié à l’oeuvre de Górecki.
jean-paul gavard-perret
Beth Gibbons & the Polish National Radio Symphony — Henryk Górecki : Symphony No. 3, label Domino, 2019.