Tromperie sur la marchandise
Ce livre, tiré d’une master class, a pour ambition de transmettre aux lecteurs les principes et les méthodes qui ont permis à l’auteur de réussir dans son métier et dans sa vie privée, en s’appuyant sur des anecdotes qui impliquent un certain nombre de célébrités.
Disons tout de suite que, comme la grande majorité des essais de « développement personnel », les leçons de l’acteur anglais sont résumables en moins d’une page, consistant essentiellement à vous redire ce que vos parents vous ont enseigné du temps de votre enfance : on doit être aimable, travailleur, ponctuel, il faut s’efforcer de devenir « quelqu’un de bien », apprendre de ses échecs et rester optimiste… Ce serait à périr d’ennui si l’auteur ne nous offrait pas, involontairement, une kyrielle d’occasions de deviner un personnage bien différent de l’image idéale qu’il cherche à se créer.
Cela commence dès l’Introduction, où John Wayne descend d’un hélicoptère sur Sunset Boulevard, pour prédire à Caine (qu’il avait vu dans Alfie, le dragueur) un avenir de star, et pour lui donner un conseil – que le bénéficiaire s’empresse de critiquer, pour nous assurer qu’il fera mieux à notre profit.
Quoiqu’il ne soit pas dénué d’humour, Michael Caine ne s’aperçoit pas souvent de la façon risible dont il étale sa présomption tout en se prétendant modeste.
L’un des aspects les plus divertissants du texte provient de la conviction qu’a l’auteur d’être supérieur à toutes les stars qu’il a croisées, soit par son intelligence, soit par sa façon de vivre, soit sur le plan de la carrière – alors qu’objectivement parlant, il faudrait chercher longtemps pour trouver quelqu’un qui aurait l’idée de donner sa filmographie en exemple du meilleur accomplissement qui soit. (Combien de rôles de Michael Caine sont restés dans l’histoire du cinéma ?)
De façon cocasse, il se montre très fier, à plusieurs reprises, du fait de n’avoir pas cessé de travailler en prenant de l’âge, comme s’il s’agissait d’un exploit rarissime ; à ce compte, feu Michel Galabru aurait eu de quoi lui damer le pion, ayant eu une carrière à la fois plus longue et incomparablement plus fournie.
Concernant la vie privée, Michael Caine se vante continuellement d’être heureux avec sa seconde femme, dont il fait l’éloge avec une telle insistance qu’on en vient à le soupçonner d’avoir à combattre on ne sait trop quelle mauvaise image que le public anglais aurait soit de lui, en tant qu’époux, soit d’elle, soit de leur façon d’être ensemble. De même, les évocations de ses enfants et de ses petits-enfants sentent la volonté d’embellir l’image, et finissent par agacer à force de mièvrerie.
En somme, à l’exception de quelques anecdotes divertissantes et des passages où Caine raconte ses débuts (difficiles), l’ouvrage n’a pas grand-chose pour vous ôter l’impression d’avoir perdu du temps à sa lecture. La traduction n’est pas très bonne, mais étant donné le niveau du texte, c’est pardonnable.
agathe de lastyns
Michael Caine, Et que les barrières sautent !, traduit de l’anglais par Jean-François Gauvry, Baker Street, mars 2019, 330 p. – 21, 00 €.