Zidrou & Laurent Bonneau, Les Brûlures

“Les sirènes retournent tou­jours à la mer…”

Dans une sta­tion bal­néaire ano­nyme, un homme boit un cap­puc­cino, se fait une réflexion quant à la pis­cine et constate : “Je l’ai aimée au pre­mier regard.” Le récit dérive vers le corps mutilé d’une jeune pros­ti­tuée qui tra­vaillait comme entraî­neuse au Phare. On lui a arra­ché cinq dents à vif, des ongles… L’action se trans­porte à la pis­cine où une femme, vêtue d’une com­bi­nai­son inté­grale, fait des longueurs.

En paral­lèle, une scène où quelqu’un affirme qu’elle par­lera ! L’homme qui buvait son café se rend à la pis­cine, croise une femme, une habi­tuée. Séduit, il cherche à en savoir plus sur elle auprès de la femme de ménage. Celle-ci répond qu’elle ne ren­seigne pas les flics.
Il s’agit de l’inspecteur de police Assane Ndiaye. Celui-ci se retrouve en charge de l’enquête quand on retrouve une seconde pros­ti­tuée, dans le jar­din d’une villa, tor­tu­rée avec un bar­be­cue. Il fait équipe avec Light.
Le récit se déroule entre la recherche des cou­pables et le déve­lop­pe­ment de l’histoire sen­ti­men­tale entre Assane et cette inconnue.

Zidrou signe un nou­veau polar très noir, éclairé de scènes cocasses, de traits d’humour, de situa­tions drôles. Il pro­pose un récit où s’entremêlent dif­fé­rentes intrigues, le pas­sage se fai­sant d’une case à l’autre. Il faut s’attacher aux cou­leurs domi­nantes. Ce sont elles qui tracent le fil de la nar­ra­tion dans la suc­ces­sion des scènes. Cepen­dant, il réa­lise une construc­tion remar­qua­ble­ment maî­tri­sée et donne à voir les dif­fé­rentes com­po­santes de ce puzzle pas­sion­nant.
Le scé­na­riste est éco­nome de ses mots. Il exé­cute une nar­ra­tion qui va à l’essentiel, des dia­logues concis, quelques réflexions. Il fait preuve d’un humour noir à sou­hait mais à l’aune du bon sens. Quand Nutella inter­pelle Light qui dévore un sand­wich devant un cadavre : “Com­ment tu peux bouf­fer ces salo­pe­ries face à un spec­tacle pareil ?” Celui-ci répond : “Ben quoi !? Elle est morte. Je suis vivant. Faut-bien que je mange !” Il évoque aussi la vente de pho­tos d’autopsie sur Inter­net. L’origine des sur­noms des deux poli­ciers valent leur pesant de sou­rires. L’un est Nutella et l’autre est Light. Mais ces sur­noms n’ont rien à voir avec leur physique.

Laurent Bon­neau réa­lise un gra­phisme dérou­tant, sin­gu­lier. Un des­sin aux traits forts, appuyés, ne ser­vant que de sup­port à la cou­leur, une cou­leur qui colle à l’atmosphère, à l’ambiance des lieux. Il uti­lise des teintes neutres, presque insi­pides, pour le bâti­ment de la pis­cine et son bas­sin. Avec quelques cases par page, il éclaire des pay­sages, des visages en gros plan à l’expressivité réus­sie. Son art de la cou­leur sert aussi de guide nar­ra­tif pour la lec­ture du récit.
Avec Les Brû­lures, tant Zidrou que Laurent Bon­neau donnent le meilleur d’eux-mêmes, font la démons­tra­tion de leurs talents et signent un album remar­quable en tous points.

serge per­raud

Zidrou (scé­na­rio) & Laurent Bon­neau (des­sin et cou­leurs), Les Brû­lures, Bam­boo, coll. “Grand Angle”, mars 2019, 120 p. – 19, 90 €.

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Filed under Bande dessinée, Chapeau bas

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