C’est dans la Drôme, dans la ville de Crest, que la romancière choisit de planter le cadre de son sixième roman. Elle retient un décor en milieu semi-rural, une cité au sud-est de Valence où il fait bon vivre à l’ombre de sa tour, un donjon de 52 mètres de haut qui, avec celui du Vincennes, est un des plus élevés d’Europe. Mais avec l’affaire qu’elle développe, le décor devient moins idyllique.
Le sous-lieutenant de gendarmerie Benoit, qui rêve d’enquêtes aventureuses, est affecté aux contrôles routiers. Il arrête une 205. La conductrice explique ses manœuvres chaotiques par la recherche de son téléphone. La fillette, assise sur le siège avant, déclare que la dame n’est pas sa mère contrairement à l’affirmation de celle-ci, que sa vraie mère est morte. Pourtant, elle voulait partir quand elle a trouvé le 6–6-B. Alors que Benoit demande à la dame de descendre, elle prend la fuite et se tue dans un virage mal négocié. La fillette est dans un état grave. Dans la voiture aucune indication sur l’identité des occupantes.
Dans le même temps, le corps supplicié d’un homme est repêché dans une rivière proche. Il est énucléé et porte trois entailles sur le front. Une équipe vient de Paris pour mener les enquêtes. Benoit, qui voit là une occasion unique de sortir de sa routine, s’intègre au groupe.
L’homme énucléé est recherché depuis plus de dix ans. L’autopsie révèle un intérieur ravagé, sans doute par l’ingestion d’antigel ou d’un produit similaire. Des recherches menées sur Internet sur le 6–6-B mènent à un texte de Platon où Socrate explique comment la mort permet de découvrir enfin la Vérité. La recherche de l’identité de la femme et de la fillette conduit les limiers vers un ancien prieuré restauré où se réfugient des femmes sous l’aile de l’association des petites sœurs de Marie-Fortunée et de l’énigmatique Joséphine.
La fillette est enlevée par une femme qui, acculée, se fait exploser. Benoit et les experts ne sont pas au bout de leurs surprises dans cette ronde mortelle.
Sandrine Destombes crée un nouvel enquêteur, Benoit, un jeune sous-lieutenant de gendarmerie, et une nouvelle équipe autour de lui. Il est amené à intégrer le groupe mené par un capitaine du Pôle Judiciaire de la Gendarmerie Nationale.
La romancière mène alors un récit qui s’inspire des procédures classiques d’enquêtes de la police. Il n’est pas question d’un super limier qui bouscule tout sur son passage, alternant coups de poings, coups de pieds, coups de feu et des phases de “repos du guerrier” avec quelques Belles rencontrées sur son parcours. Elle met en scène des individus ordinaires qui cherchent, tâtonnent, hésitent, se trompent, même si l’on peut trouver que Benoit passe vite du contrôle de vitesse à des recherches plus pointues. Elle livre, au compte-gouttes, les indices qui mènent vers une conclusion marquante.
L’auteure fait une place importante aux femmes, reprenant des arguments de la rhétorique féministe avec habilité et sans conviction partisane. Elle décrit une situation possible, qui trouve ses racines dans des drames antérieurs, et en fait un bel usage. Avec un style et une écriture fluides, de nombreuses et érudites références sur de nombreux sujets, Sandrine Destombes déroule une fort belle intrigue.
serge perraud
Sandrine Destombes, Le prieuré de Crest, Hugo éditions, coll. “Thriller”, mars 2019, 352 p. – 19,95 €.