En près de 3000 pages, les deux ouvrages regroupent les 2700 textes qu’André Bazin écrivit pendant sa courte vie. Créateur des cinéclubs (et pas seulement en France) , pigiste d’ “Esprit” aux “Cahiers du Cinéma”, il prouve combien le cinéma est ” l’art des masses et du peuple ” pour la raison simple que tout producteur “n’est pas assez fou” pour vivre sans le public.
Critique capable de proposer plusieurs articles différents et en rien répétitifs sur le même film, Bazin a passé son temps entre écriture et causeries à défendre la cinéma. Il a été pris parfois pour son moine cistercien comme celui du “réalisme entomologiste” ou “fondamental” même s’il n’est pas forcément théoricien dans tous ses textes. Il passe parfois par l’anecdote : à Cannes, par exemple, certains critiques n’arrivent pas à bronzer…
L’auteur traverse divers registres, ce qui fait de lui un critique vivant et humain. Il écrit pour persuader mais plaire tout autant. Soucieux du public, il est capable de défendre et faire comprendre les genres populaires comme le Western. La passion est constante tant se ressent dans ces deux volumes remplis de charme et de sensibilité là où il ne fonde pas à tout prix une politique des auteur : il peut défendre Welles puis le descendre.
Celui qui est cité par Godard dans la bande titre du Mépris pour signifier le sens du cinéma a dominé la critique des films à son époque. Il a influencé par son militantisme humaniste, repris ensuite par Pascal Bonitzer dans l’analyse du sens du réel dans le cinéma et par Deleuze (L’image Mouvement) avant d’être abandonné par les nouveaux penseurs du cinéma.
Pour Bazin, le cinéma a tué l’hérésie baroque.Mais, de fait, son goût du réalisme doit beaucoup à ce style. Ainsi, le rapport au réel chez lui est toujours porteur d’une sorte de spiritualité qui, sans s’afficher, est omniprésente.
Le réel garde pour le critique un sens caché. Lequel fait de lui un post-nietzschéen.
jean-paul gavard-perret
André Bazin, Écrits complets, 2 volumes sous coffret, édition établie par Hervé Joubert-Laurencin, Macula, décembre 2018, 2848 p. — 149,00 €.
Bien qu’il est un grand critique du 7eme Art, et a part le respect qu’il lui est du, Je considère que le cinéma n’a pas (du tout) tué l’hérésie baroque; exemples : les chefs d’œuvre de Visconti ou le tragique et la perte des mondes côtoient des climats, des couleurs et des passions somptueuses, baroques dans leur sobriété et teintées de profond regret ; les chefs d’œuvre de Raoul Ruiz, surtout le Temps retrouvé et les Mystères de Lisbonne, pareille; d’ou ce lien invisible et précieux entre ces deux géants. Tenez, Tim Burton, n’est pas un hérétique baroque , lui ?!!
Cordialement
Site très complet –Réjouissant !
« Il ne fonde pas à tout prix une politique des « auteur»
Il fallait écrire « auteurs »
Petite erreur à rectifier
Merci
Alex