Didier Le Fur, Et ils mirent Dieu à la retraite — Une brève histoire de l’histoire

Une vision réa­liste et brillante

C’est lors d’études uni­ver­si­taires sur la Renais­sance que Didier Le Fur s’est étonné du déca­lage entre les ouvrages géné­raux qui trai­taient de la période et le contenu des docu­ments datant de cette époque. Ces der­niers évo­quaient des pro­grès en tous genres alors que des auteurs récents évo­quaient prin­ci­pa­le­ment les guerres, conflits, expan­sions ter­ri­to­riales …sous le regard de Dieu.
Ce constat d’une his­toire mou­vante selon les opi­nions des his­to­riens contre­di­sait le côté scien­ti­fique dont elle se pare. C’est donc à l’évolution d’une his­toire selon un carac­tère rigou­reux que Didier Le Fur s’attache dans ce livre.

Depuis l’aube de l’humanité, un dieu a gou­verné la vie des hommes, écrit leur his­toire. En Europe, la reli­gion catho­lique romaine impo­sait l’idée d’un Dieu qui déci­dait du sort des hommes tant indi­vi­duel­le­ment que col­lec­ti­ve­ment. Cepen­dant, dès le XVIe siècle, cer­tains catho­liques évo­luaient et admet­taient de nou­veaux rap­ports avec leur Créa­teur.
C’est avec l’éveil d’une idéo­lo­gie de pro­grès que l’Histoire de l’Homme com­mence à naître. Aupa­ra­vant, elle était tou­jours rehaus­sée de reli­gion, de rap­ports et d’interventions divines. La vision catho­lique du monde avait déjà été bat­tue en brèche avec la décou­verte du conti­nent amé­ri­cain. Ce sont les tra­vaux de Coper­nic, Gali­lée, Condor­cet, les écrits de Des­cartes, de Bacon, de Vol­taire, qui engen­drèrent une nou­velle approche du monde. La Terre n’était plus le centre de l’univers, elle n’en n’était qu’un rouage.

Des savants ont alors appa­renté ce “nou­veau monde” à une hor­loge, une machine. C’est l’émergence du méca­nisme, un mou­ve­ment phi­lo­so­phique. Ces cher­cheurs prô­naient un pro­grès, rete­nant de ce terme le sens d’avancer en y ajou­tant l’espoir du mieux. L‘Homme avait enfin un des­tin, il n’était plus gou­verné par une force tuté­laire. Peu à peu a émergé une his­toire sans divi­ni­tés, celle de l’humain et du pro­grès.
Mais, ouvrir une autre vision du monde inter­ro­geait quant à la place de Dieu dans cette nou­velle confi­gu­ra­tion, d’autant que la reli­gion romaine subis­sait des frac­tures avec le Protestantisme.

Didier Le Fur explore ainsi, l’évolution de l’histoire, de son trai­te­ment par les hommes, fai­sant d’eux les prin­ci­paux acteurs de celle-ci. En quinze cha­pitres, l’historien aborde et expli­cite les ques­tion­ne­ments de ces pro­gres­sistes. Que faire de Dieu, du passé ? Puis l’histoire est confron­tée à la cri­tique, la phi­lo­so­phie, la rai­son. Quelles consé­quences cette trans­for­ma­tion impliquent-elles dans les formes de gou­ver­ne­ment, dans la société, la civi­li­sa­tion… ? Il retrace, ainsi, l’histoire de l’Histoire telle qu’on la connaît aujourd’hui, deve­nue une science.
Avec des argu­ments étayés aux meilleures sources, avec un rai­son­ne­ment affûté repre­nant les dif­fé­rentes étapes de cette évo­lu­tion, Le Fur raconte de façon lim­pide les méca­nismes qui ont été à l’œuvre, les étapes fran­chies pour abou­tir à ce que nous pou­vons lire de nos jours.

Un essai brillant, éru­dit qui donne à com­prendre cette évo­lu­tion prag­ma­tique et donne à l’Homme sa réelle dimension.

serge per­raud

Didier Le Fur, Et ils mirent Dieu à la retraiteUne brève his­toire de l’histoire, Passés/Composés, mars 2019, 240 p. – 19,00  €.

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