Éric Fouassier, Par deux fois tu mourras

Le meurtre chez les Mérovingiens

Éric Fouas­sier a enchanté ses lec­teurs avec Sans peur et sans reproche, la tri­lo­gie met­tant en scène les enquêtes de Bayard, le che­va­lier, et d’Héloïse San­glar, une apo­thi­caire, au début du XVIe siècle (Édi­tions Le Masque). Avec ce pre­mier tome des Francs Royaumes, il pro­pose de suivre une affaire cri­mi­nelle dans les monar­chies des petits-fils du glo­rieux Clovis.

Dans une vieille bâtisse sombre et mal­com­mode, la reine Gals­winthe, seconde épouse de Chil­pé­ric Ier, vit mal. Elle regrette son pays, le royaume des Wisi­goths. Une nuit, elle est étouf­fée dans sa chambre. Mais le tueur est aus­si­tôt occis par un mys­té­rieux assas­sin. Chil­pé­ric a été reconnu cou­pable du meurtre de son épouse et a acquitté le prix du sang.
Quatre ans plus tard, en 573, le royaume conti­nue d’être acca­blé de maux. La Seine, gon­flée par des pré­ci­pi­ta­tions inin­ter­rom­pues, menace les rives de Rouen, par­ti­cu­liè­re­ment la vaste por­che­rie de la rési­dence royale. Miné par les flots, le bâti­ment s’effondre dévoi­lant les restes d’un sque­lette humain. Parmi les spec­ta­teurs du drame, Win­trude, une jeune esclave thu­rin­gienne voit, près du crâne, un col­lier carac­té­ris­tique. Elle recon­naît celui de son frère Arr­bald, dis­paru depuis quatre ans. À la nuit tom­bante on l’attire dans un piège mais elle réus­sit à récla­mer le droit d’asile à l’évêque Pre­tex­tat.
À Metz, capi­tale de l’Austrasie, le duc Gontran-Bozon, un chef de guerre et Arse­nius Pon­tius un jeune let­tré gallo-romain, sont convo­qués par la reine Bru­ne­hilde. Ce der­nier est le filleul de Gré­goire, l’évêque de Tours, qui le recom­mande car il a déjà démêlé une affaire déli­cate. Elle veut qu’il fasse la lumière sur la mort de sa sœur et l’envoie à Rouen en com­pa­gnie du duc. Mais ce rôle d’enquêteur et d’espion n’est pas exempt de dan­gers car il aura, face à lui, la belle Fré­dé­gonde à la répu­ta­tion plus que sul­fu­reuse et cruelle…

Le roman­cier invite le lec­teur à une visite éru­dite dans ce haut Moyen Âge qui reste méconnu. Outre le fameux bap­tême de Clo­vis, les sup­plices de Bru­ne­hilde ou l’imagerie des rois fai­néants, on dis­pose de peu d’informations. Avec un tra­vail docu­men­taire consé­quent, Éric Fouas­sier fait vivre cette période loin­taine, à l’aube du VIe siècle, qui ne sus­cite pas l’intérêt de nom­breux his­to­riens, mais qui se révèle fort com­plexe avec des ambi­tions ser­vies par une bru­ta­lité sans rete­nue. Il met en scène nombre de per­son­nages his­to­riques, pré­ci­sant leurs ascen­dants, les liens avec les évé­ne­ments pré­cé­dents res­pon­sables de la situa­tion pré­sente.
Il intro­duit une part de fic­tion avec son magni­fique couple de héros, à savoir le clerc gau­lois et l’esclave thu­rin­gienne. Le meurtre qui sert de base au roman offre l’opportunité de la construc­tion d’une belle intrigue, retorse à sou­hait, compte tenu de l’imprécision, des contra­dic­tions entre les dif­fé­rents textes des quelques chroniqueurs.

Et le roman­cier ne se prive pas de ce plai­sir, mul­ti­pliant rebon­dis­se­ments et coups de théâtre, s’engouffrant dans les lacunes his­to­riques. Cepen­dant, il cherche à se rap­pro­cher au plus près d’une pos­sible réa­lité sachant, par exemple, que la légende noire de Chil­pé­ric et Fré­dé­gonde ne s’appuie que sur quelques témoi­gnages, le plus impor­tant étant celui de Gré­goire de Tours, un adver­saire poli­tique du couple.
Le roman­cier détaille les rap­ports pas tou­jours aimables entre les pro­ta­go­nistes his­to­riques et donne une belle des­crip­tion de ce que pou­vait être la vie quo­ti­dienne. Une liste des per­son­nages, tant his­to­riques que de fic­tion, ainsi qu’une carte pré­sen­tant les dif­fé­rents royaumes apportent une belle faci­lité pour suivre les actions des mul­tiples protagonistes.

Avec Par deux fois tu mour­ras, Éric Fouas­sier signe un roman fas­ci­nant, tant pour le par­cours du couple de héros vers la vérité que pour la décou­verte d’une époque peu média­ti­sée his­to­ri­que­ment.
Une suite pro­met­teuse est annon­cée ainsi : La Fureur de Fré­dé­gonde en mars 2020 et Le Roi vendu en mars 2021.

lire un extrait

lire notre cri­tique de la suite : La fureur de Frédégonde

serge per­raud

Éric Fouas­sier, Par deux fois tu mour­ras, JC Lat­tès, février 2019, 496 p. – 20, 50 €.

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Filed under Pôle noir / Thriller

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