Philippe Carrese, Une belle histoire d’amour

Gisèle est pour­sui­vie à tra­vers Mar­seille par Max, jeune truand psychopathe…

Depuis sa plus tendre enfance, Gisèle n’a pas eu de chance. Pas seule­ment parce qu’elle a un pré­nom d’une autre époque, qui est censé faire d’elle une dan­seuse - comme Isa­dora sa mère, appe­lée ainsi en hom­mage à Isa­dora Dun­can. Mais aussi parce qu’elle est une riche héri­tière et que les pires ennuis s’abattent sur elle en la per­sonne de Max, un psy­cho­pathe mar­seillais, truand à la petite semaine et pro­prié­taire d’un restaurant-night club Les Matins Per­dus. Ses hommes de main sont P.H., un adepte de la gon­flette qui adore le mon­trer, et Caruso, un ama­teur de chan­sons ita­liennes gnan-gnan. Au milieu de tout ça, Jean-Do, sur­nommé Pin­dur, un jazz­man aussi raté que le sui­cide qu’il tente au début du récit dont il est le narrateur.

L’his­toire part, ou paraît par­tir, dans tous les sens. À la limite du ration­nel. Les bri­gands mar­seillais sont autant de variantes du mal­frat mal­adroit qui échoue dans toutes ses ten­ta­tives. Les per­son­nages de ren­contre — comme Paulo, ce sup­por­ter de l’OM frin­gué comme un foot­bal­leur mais en cha­ren­taises — ne sont guère plus posi­tifs. Tous autant qu’ils sont sortent d’un monde qu’on se refuse à connaître tant s’y cris­tal­lise ce que l’on exècre. On se demande si tout ça n’est pas une vaste galéjade.

L’épo­pée, qui, à ses débuts, paraît bien impro­bable, devient de plus en plus cré­dible — et hor­rible — au fur et à mesure qu’elle pro­gresse. Tan­dis que l’empreinte du mal se fait plus pré­gnante, on finit par décou­vrir l’instigateur, somme toute pré­vi­sible, de cette machi­na­tion machiavélique.

On ne voit pas où veut en venir Phi­lippe Car­rese, mais il tisse sa toile avec génie et indo­lence (mar­seillaise). Poé­sie et situa­tions ubuesques forment un mélange déton­nant et tou­chant à la fois. Jean-Do et Gisèle sont un couple d’aventuriers atta­chants. Les non-morts se suc­cèdent comme dans un film d’épouvante et Max, tel un meur­trier à la tron­çon­neuse, passe d’une déchéance toute pré­vi­sible à une longue ago­nie pour mieux faire souf­frir nos deux amis qui, il faut bien le dire, tendent sou­vent le bâton pour se faire battre.

Quand on lit Une belle his­toire d’amour, on pense à Pierre Siniac ; à cette écri­ture facile qui res­ti­tue un monde moche mais déjanté, irréel mais pos­sible. Car­rese décrit sa ville, Mar­seille, avec autant de poé­sie qu’un Jean-Claude Izzo (Total Khéops, Chourmo, Soléa) mais en créant un autre uni­vers, de pure folie mais néan­moins empreint d’un pro­fond roman­tisme.
Phi­lippe Car­rese a reçu le Prix SNCF-Polar 2001 pour Le Bal des cagoles, tou­jours chez Fleuve Noir.

julien védrenne

   
 

Phi­lippe Car­rese, Une belle his­toire d’amour, Fleuve Noir, 2003, 249 p. — 12,30 €.

Edi­tion de poche : Pocket “noir”, juin 2004, 307 p. — 6,00 €.

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