Grandeurs et misères de l’Eglise
Les amateurs d’histoire qui voudraient se faire une image d’ensemble des rapports entre la papauté et le catholicisme français sont le lectorat désigné pour cet ouvrage. Françoise Hildesheimer y retrace les diverses étapes du conflit (quasi permanent) entre Rome et l’Etat français, conflit d’influence qui remonte au XIIIe siècle, à la naissance du gallicanisme. Cependant, son analyse ne se limite pas à notre particularisme national.
D’après l’historienne, le « cas français » est révélateur du fait que « le développement de l’Eglise apparaît, en Occident, davantage en forme de recul, allant sans cesse de crise en réforme et de réforme en crise » (p. 352). Hildesheimer étaie cette thèse en examinant les problèmes majeurs qui se sont posés, au fil des siècles – depuis le grand schisme d’Orient -, à l’Eglise catholique comprise à la fois comme pouvoir temporel et comme autorité évangélique. Son étude fait ressortir, à maintes occasions, le décalage objectif entre les ambitions de Rome, universelles, et la situation concrète du continent européen, non seulement morcelé, mais de moins en moins propice à l’unification religieuse, notamment depuis la Réforme et la montée de la sécularisation.
On apprécie tout particulièrement les développements au sujet de la perte de la « maîtrise du temps », qui mettent en avant la différence entre une vie rythmée par le calendrier chrétien et par le son des cloches, et les temporalités du monde industrialisé. On est moins convaincu par la tendance à présenter l’Eglise comme rétrograde à outrance, qui va par endroits jusqu’à nier les progrès que le dogme a faits.
Ainsi, Hildesheimer laisse entendre que celui-ci serait toujours opposé au darwinisme (p. 374, note 37), alors que ce n’est plus le cas. (Le lecteur qui en douterait peut consulter Le Monde du catholicisme, coll. « Bouquins », éd. Robert Laffont, 2018, pp. 495–496.)
C’est dire que l’ouvrage pourrait irriter certains croyants ; toutefois, ils auront de quoi se consoler à la lecture de ce passage : « A l’échelle planétaire, le christianisme […] demeure encore l’une des plus grandes religions du monde, et jamais il n’y a eu autant de chrétiens sur terre. On pourrait en inférer que les dés ne sont pas forcément jetés et que la crise actuelle de l’Eglise pourrait n’être qu’occidentale et passagère… » (p. 359).
agathe de lastyns
Françoise Hildesheimer, Une brève histoire de l’Eglise. Le cas français, IVe-XXIe siècles, Flammarion, coll. « Champs histoire », février 2019, 475 p. – 12, 00 €.