Une nouvelle figure féminine d’exception
Cette série s’enrichit régulièrement avec de nouvelles dames qui ont su faire preuve, au cours de l’histoire, d’une force de caractère peu commune pour s’imposer dans un monde gouverné exclusivement par des mâles.
Isolées, elles ont dû combattre pour imposer leurs idées, leurs points de vue et leur personnalité. Jean-Pierre Pécau présente une nouvelle figure féminine d’exception au cœur des croisades, à cette époque où les chrétiens tentaient de s’imposer sur les lieux saints.
En l’an 1130, Bohémond II, prince de Tarente et d’Antioche est tué dans une embuscade tendue par l’émir Gazi Gümüchtegin, un prince à la solde du calife de Bagdad. Son cœur a été arraché et emporté comme trophée. Alix de Jérusalem, son épouse, voit l’occasion de régner et fait enfermer Constance, sa fille unique de six ans, l’héritière légitime, en attendant de la placer dans un couvent quand elle sera femme. Mais la principauté d’Antioche est menacée et Alix a besoin de soutiens. Le pape est loin et elle pense faire alliance avec des princes musulmans plus proches.
Constance, enfermée, apprend l’histoire de ses ancêtres en cachette grâce à Alice, une schismatique, à qui Bohémond avait confié la fillette. Cependant, Alix entend lui donner une éducation chrétienne qu’elle confie à un moine. Constance se révolte.
Le père d’Alix, roi de Jérusalem, apprenant les projets de sa fille intervient militairement, ce qui n’empêche pas celle-ci de placer, peu à peu, ses hommes liges. Un jour, Constance est extraite de sa tour, apprêtée, présentée au prince Raymond de Poitiers à qui elle est mariée immédiatement. Alors que la cérémonie se termine, Alix arrive en trombe, furieuse car c’est elle qui devait épouser le prince. Il a vingt-huit ans de plus que Constance.
Commence alors pour l’héritière un chemin malaisé où elle devra s’imposer, déjouer les chasses-trappes…
Dans ce premier tome, le scénariste décrit l’enfance de cette princesse depuis la mort de son père jusqu’à la disparition de son mari. Il montre son art de la diplomatie, sa façon d’appréhender le climat politique quand les brutes qui gouvernaient ne voyaient que l’épée pour résoudre des conflits et assurer un simulacre de paix. Il met en lumière la situation qui prédominait dans la région, les contextes locaux et les ambitions des uns et des autres protagonistes qui résidaient dans la contrée.
Le dessin réaliste de Gabriele Parma, aux traits énergiques sied au récit. Elle assure une belle expressivité des personnages, fait ressentir les émotions de l’héroïne, exprime par une belle gestuelle ses sentiments. Les décors sont restitués avec réalisme, basés sur une documentation précise. Elle use de plans larges pour les nombreuses scènes de batailles, rendant bien l’âpreté des combats. Dimitri Fogolin assure une mise en couleurs avec des lumières éclatantes, des teintes vives pour les vêtements de parade, mais des couleurs passées pour les vêtements des guerriers, les habits utilisés quotidiennement.
Avec cette princesse rebelle, le scénariste fait entrer le lecteur dans l’histoire d’une période confuse où les appétits de célébrité et de fortune le disputaient aux arguments fallacieux d’une gloire divine. Passionnant !
serge perraud
Jean-Pierre Pécau (scénario), Gabriele Parma (dessin) & Dimitri Fogolin (coureur), Les Reines de sang — Constance d’Antioche : Volume 1, Delcourt, coll. “Histoire et Histoire”, janvier 2019, 56 p. – 14,95 €.