Le cycle du Grand Mort se clôt avec ce huitième tome qui apporte enfin les réponses aux nombreuses questions soulevées par les péripéties depuis le début de l’histoire. Les scénaristes proposent deux mondes bien différents qui peuvent cependant communiquer par un menhir judicieusement placé en Bretagne et se rejoindre par un produit insolite dénommé les larmes d’abeille. Ils jouent également avec un décalage de temps, celui-ci ne s écoulant pas à la même vitesse dans les deux univers.
Ce cycle mêle récit fantastique et récit post-apocalyptique avec des déferlantes de situations catastrophiques qui menacent l’humanité. Mais, au-delà de ces thèmes relativement classiques, les auteurs introduisent la connaissance, les périls encourus lorsque celle-ci est menacée, qu’elle risque de disparaître et sa redistribution équitable.
Pauline et Gaëlle ont dû utiliser les larmes d’abeille pour échapper à leurs agresseurs. Elles se retrouvent, un peu inquiètes, dans le Petit Monde, au cœur d’une immense forêt. Pauline explique à son amie qu’elles pourront repartir quand les effets des larmes vont cesser mais avec un décalage car les quantités mises ne sont sans doute pas les mêmes. Arrivent alors les prêtresses que Pauline croyait mortes. Elles cherchent également Erwan et lui révèlent qu’il est en danger avec Blanche, la fille qu’elle a eue quand elle a été fécondée par la Macare Hermaphrodite. C’est elle, un des pions du plan ourdi par celle-ci, qui est la responsable de tous les troubles et de toutes les catastrophes. Les épidémies se sont succédé, les hommes ont perdu le peu de retenue et de bon sens qu’ils pouvaient avoir et se sont laissés aller à leurs plus bas instincts.
Alors qu’elles attendent sur le lieu du retour le moment où elles quitteront le Petit Monde, un bruit les alerte. Elles aperçoivent un gamin craintif qui les observe. Il s’agit de Sombre, le fils d’Erwan. Malgré la tension, elles s’endorment. Au réveil, Pauline est seule mais elle s’aperçoit que Gaëlle est partie …avec le petit garçon, le complément de Blanche !
Les scénaristes signent une magnifique fable sur l’évolution de l’humanité, sur la transition entre des mondes et sur la nécessité d’un juste équilibre entre tous les éléments qui constituent une civilisation. Car ce petit Monde peut s’assimiler à des sociétés différentes qui ont du mal à cohabiter. La connaissance peut s’entendre comme un savoir qui disparaît parce que les tenants ne le transmettent pas ou qu’il est jugé désuet par de nouvelles générations.
Avec ce cycle, les auteurs mettent également en avant les problématiques écologiques et sociales de notre époque, conjuguées à une intrigue subtile quant au devenir des personnages principaux.
Vincent Mallié assure un dessin superbe tant pour les scènes qui se déroulent dans notre univers que pour les actions qui se passent dans le Petit Monde, plus écologique, plus sauvage, plus naturel. Il faut noter la conjonction des illustrations de couverture entre celle du premier et du dernier tome. François Lapierre signe la mise en couleurs avec une palette riche de tons adoucis ou plus vifs selon les moments et les lieux. Cette façon de mettre en avant les différents épisodes aide beaucoup à la lecture tout en donnant à chacun une identité propre.
Ce dernier tome du Grand Mort termine avec maestria une série brillante au point de vue des idées et des concepts, de la narration en tension et d’un graphisme qui régale les yeux.
serge perraud
Serge Le Tendre, Jean-Blaise Djian (scénario), Vincent Mallié (dessin) & François Lapierre (couleur), Le Grand Mort – t.08 : Renaissance, Glénat, coll. “24x32”, janvier 2019, 88 p. – 18,00 €.