Ryad Girod, Les Yeux de Mansour

Rien de nou­veau sous le soleil

Le nar­ra­teur des Yeux de Man­sour est le témoin impuis­sant de la mort de son ami. Il  va être déca­pité. Man­sour n’était pour­tant en rien un révolté il fut sim­ple­ment “un idiot magni­fique qui roule dans le désert en Che­vro­let Camaro rouge, des­cen­dant de l’émir algé­rien Abdel­ka­der “. Le nar­ra­teur devient alors - fai­sant par­tie des expatriés,il assiste même à une visite du pré­sident Hol­lande et vit une his­toire d’amour qui, fidèle à ce qu’elles sont, finit mal — un obser­va­teur avisé du monde tel qu’il est.
Plus que roman, le livre devient un chant funèbre. Il tente de s’élever au-dessus des cris de la foule avide de sang. Man­sour était musul­man mais, contrai­re­ment à ses bour­reaux, il n’avait rien d’un inté­griste. Cela per­met à l’auteur de s’élever contre le fana­tisme reli­gieux. Insi­dieu­se­ment, celui-ci détruit la gran­deur d’une civi­li­sa­tion vic­time des abso­lu­tismes et des inté­rêts finan­ciers de ses maîtres.

Mais il n’y a pas d’issue : la mort de Man­sour est le symp­tôme d’une situa­tion géo­po­li­tique qui se moque de ceux qui sont pris dans son étau. Tout le monde s’accorde sur le mépris envers les vic­times. Le fana­tisme, la lâcheté, la diplo­ma­tie sont les armes idéales pour ter­ras­ser ceux dont le désir mys­tique ou exis­ten­tiel est de vivre de manière paci­fiée. La déli­ques­cence est donc pro­gram­mée par les inté­rêts poli­tiques et éco­no­miques de féo­daux mon­dia­li­sés qui s’entendent sur le dos de ceux qui, sans ruer dans les bran­cards, leur tournent le dos.
C’est trop pour le pou­voir. L’auteur évoque avec féro­cité et iro­nie la cruelle indif­fé­rence des reli­gions abjectes envers leurs croyants et celle — com­pa­rable —  de la poli­tique dont elle est de fait le bras armé. Une nou­velle fois, le sabre et le gou­pillon (ou ce qui le rem­place) s’unissent là où tout un “beau” monde médiocre se croise dans un Mall gigan­tesque des émi­rats pétro­liers et des récep­tions d’ambassade ber­ceaux des com­pro­mis­sions et des silences complices.

L’arti­fice et un luxe occi­den­tal sont les stig­mates de ce nou­vel empire arabe que le nar­ra­teur fuit. Il rede­vient fils du désert pour se perdre dans une médi­ta­tion sur les faillites d’un monde. Manière peut-être, pour celui qui ne s’humilie pas afin d’ être un saint mais sim­ple­ment humain, d’éviter le pire car les nou­veaux maîtres ont tou­jours des femmes à fouet­ter et de pauvres bougres à exécuter.

jean-paul gavard-perret

Ryad Girod, Les Yeux de Man­sour, P.O.L Edi­teur, 2019, 224 p. — 18,50 €.

Leave a Comment

Filed under Romans

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

*

Vous pouvez utiliser ces balises et attributs HTML : <a href="" title=""> <abbr title=""> <acronym title=""> <b> <blockquote cite=""> <cite> <code> <del datetime=""> <em> <i> <q cite=""> <strike> <strong>