Ce livre est un hommage (licencieux au possible) à l’auteur canadien Crad Kilodney (1948–2014) le bien prénommé. Les trois contes (non flaubertiens) sont tirés de son recueil Suburban Chicken Strangling Stories (1992). Il n’y aura donc pas que le juge O’Driscoll d’une des nouvelles à trembler “en tournant les pages d’une revue pimpante, toute en couleurs, intitulée “Putes chaudes”.“
Preuve qu’il n’y a ici pas de limites à la dépravation des femmes et des hommes. Savoir si les premières sont toutes consentantes, les textes ne le disent pas mais tout est fait ici pour que l’humanité ressemble à ce que Nietzsche en dit : elle “aime s’ôter de l’esprit ces questions d’origine et de commencements » (Humain trop humain) et ce pour d’autres facéties.
Il n’est plus question de mesure ou de limite. Eros en ses bourrasques ne cesse pas de souffler. L’auteur nous fait enfants de la viande. Des femmes avides de tango argent teint swinguent du valseur par multiplication des mains. Il y a là des accroupies voleuses, des vétérinaires ayant du chien et dont la fièvre ne monte pas qu’à El Paso.
Existent aussi des terrines des chefs, des vénérables de lapin. Celles dont la chatte est grise mais pas seulement la nuit. Sans oublier les suceuses de caramels mous, des professeurs d’anglais à la retraite. Celles aussi qui ont l’orgasme en si bémol majeur et les renonculacées qui n’en n’ont jamais assez. Mais point de pilules à mère. Tout est amène pour les trempeurs de baguettes, les veuves de guère devenues aiguilleuses du ciel (de lit).
Tout ici est du même panier et, pour faire grimper au rideau, même les maladroites sont de bonne volonté, celles qui n’ont que le gland de leur lampe dans leur lit et ceux qui n’ont que des souvenirs pour pleurer parce que les disparues sans laisser d’adresse sont devenues pour eux des bâtisseuses d’ans pires. Leur étoile n’est plus que d’araignées.
jean-paul gavard-perret
Crad Kilodney, Trois Contes, traduit par Philippe Billé, Cormor en nuptial, 2019, 64 p. — 15,00 €.