Le futur voire l’aujourd’hui fait de nous les naufragés d’un immense radeau de la Méduse. Peu de chance d’en échapper mais, pour éviter d’être sinon pétrifiés du moins noyés, nous nous agitions dans tous les sens. Nous ne cessons de parier — faute de mieux - sur nous mêmes. Donc pratiquement sur l’inutile.
Silvio Lorusso, né en 1985, sait de quoi il parle. Il travaille dans le monde précaire du design, de l’art et de l’édition. Chercheur affilié à l’Institut des “Network Cultures” d’Amsterdam, son livre est le résultat de ses recherches et réflexion. Il nous montre combien nous sommes soumis à une éternelle errance et une dissonance cognitive au sein de ce qu’il nomme une “mastodontica startup”.
Il nous guide dans ce capharnaüm et dans un monde fait d’instruments de productivité, de publicités créés pour nous motiver et de techniques propres à nous auto-stimuler. Son livre en devient un contre-exemple. Il ne s’agit pas d’une voie pour devenir de nouveaux Steve Jobs ou Flavio Briatore.
Ses “entrepreneurs d’eux-mêmes” font ce qu’ils peuvent pour trouver des chemins de traverse afin tenter de ne pas tomber dans la précarité croissante d’un monde intéressé par la réussite économique et qui se moque de l’existence des êtres. C’est pourquoi, pour Lorusso, l’esprit d’entreprise au lieu d’être une bénédiction et un salut demeure une condamnation sine qua non.
jean-paul gavard-perret
Silvio Lorusso, Entreprecariat – Siamo tutti imprenditori. Nessuno è al sicuro, preface de Geert Lovink, postface di Raffaele Alberto Ventura, éditions KP, 2019.