Rémanentes virulences
La scène apparaît d’abord fermée par une palissade de bois blanc, comprenant une porte ; devant, un banc. Quand la scène s’ouvre, sont projetées sur le décor des images de violence politique ; sur une musique techno-trash, un homme est pris de danses convulsives. On assiste à un déploiement peu raisonné, stylisé et ridiculisé d’une logique d’affirmation de soi dont le pouvoir mal compris peut être un des vecteurs. Ironiquement se déploie une plaidoirie pour l’aveuglement ; le roi apparaît comme un enfant insatiable, capricieux.
Une imprécation lancinante sur l’absence de vérité, sur l’inanité du pouvoir et l’indifférence des gouvernés. Les comédiens s’adressent au public, dans une attitude d’autocritique sacrifiant à la facilité de la provocation. Au reste, les incises, les saillies des personnages sortant à peine de leur rôle ne semblent pas nourries par une intention commune, sinon une ironie qui finit par se révéler auto-ironique.
Se développe aussi en filigrane une méditation sur la perte de pouvoir des mots, sur la disparition ; cette recherche existentielle, redondante, semble procéder de la volonté de l’auteur d’asséner son propos comme pour marquer par la violence de la répétition la déréliction du verbe à notre époque. L’écriture de Jellinek est dynamique, volubile et virulente ; elle se prolonge indéfiniment, comme pour nous couper le souffle. Le texte procède à une exploration foutraque des fractures occidentales.
Le propos est volontiers subversif ; il apparaît riche mais surabondant. A cette aune, la dérision finit par apparaître dérisoire. La mise en scène de Richter, qui se veut percutante, redouble le propos de Jellinek sans le servir. En effet, les choix de scénographie, comme s’ils calquaient dans leur registre propre les scansions du texte, en désamorcent la vigueur au lieu de l’accentuer.
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christophe giolito
Am Königsweg
[Sur la voie royale]
d’Elfriede Jelinek
mise en scène Falk Richter
en allemand, surtitré en français
© Arno Declair
Avec : Idil Baydar, Benny Claessens, Matti Krause, Anne Müller, Ilse Ritter, Tilman Strauß, Julia Wieninger, Frank Willens.
Décor Katrin Hoffmann ; Costumes Andy Besuch ; Lumière Carsten Sander ; Vidéo design Michel Auder, Meika Dresenkamp ; Vidéo Antje Haubenreisser, Alexander Grasseck ; Composition et musique Matthias Grübel ; Dramaturgie Rita Thiele ; Son André Bouchekir, Hans-Peter Gerriets, Lukas Koopmann.
A l’Odéon — Théâtre de l’Europe Place de l’Odéon 75006 Paris. Durée 3 h 30 (avec entracte).
Du 20 au 24 février 2019, du mercredi au samedi à 19 h 30, le dimanche à 15 heures.
Production Deutsches SchauSpielHaus Hambourg. Avec le soutien du ministère fédéral allemand des affaires étrangères et du Goethe-Institut. Première représentation le 28 octobre 2017 au Deutsches SchauSpielHaus Hamburg. Surtitrages en langue française réalisés à partir de la traduction de Magali Jourdan et Mathilde Sobottke publiée à l’Arche en 2019.sous le titre Sur la voie royale. Traduction réalisée avec le soutien de la Comédie de Caen – CDN de Normandie.