John et Yves Berger héritiers l’un de l’autre
Yves Berger, fils du poète et artiste John Berger, propose l’échange de lettres et d’images qu’ils pratiquèrent lorsqu’ils étaient séparés. Tout joue entre présence et dilution en un théâtre dont mots et images soulignent la présence du père disparu. Les lettres s’allongent au fil des mois sans forcément se répondre directement dans l’analyse de peindre et de voir là où le dialogue reste toujours affectif. Les deux correspondants poussent toujours plus loin le risque au centre de l’Imaginaire.
Face à son fils, John Berger fait simple, ne “devise” jamais. Mais il parle de la peinture de la manière la plus pertinente. Quelques lignes permettent de passer en revue De Kooning, Beckmann, Koloschka pour qui “la lumière est un geste d’adieu”. Et soudain, tout est dit dans un retour vers le fils et un passage de témoin.
Le tout dans une dialectique originale. Père et fils s’envoient des images, les commentent. Ils partagent leurs idées sur l’art et les visualisent. Dans cette parenté peut s’oser “ce qui s’ouvre sur le trop grand” comme sur les ratages ressentis entre le visible et l’invisible. Loin des mièvreries du pathos, parfois un simple dessin de John permet de tout “dire” : celui d’une souris en cage.
Chaque fois que le père en attrapait une dans la cuisine de la maison familiale du Faucigny, il en faisait un dessein avant de prendre sa voiture pour aller libérer l’animal dans la forêt.
Avec les deux correspondants les souvenirs ne sont jamais “pagnolesques” : ils ont toujours un sens. Celui de l’art et de la vie. Tout est dit et dessiné moins pour changer quelque chose que (se) changer soi-même dans un amour de l’art paternel et filial.
jean-paul gavard-perret
John et Yves Berger, A ton tour, traduction de Katya Berger Andreadakis, L’atelier contemporain, Strasbourg, 2019, 104 p. — 20,00 €.